Magazine Bons plans
J'imaginais Djerba grouillante et détestable, comme le sont ces abords de la grande bleue, polluée par une faune agglutinée sur le sable aseptisé des grands hôtels...et je n'avais pas tort...Mais c'était sans compter sur la surprise d'une île aux multiples secrets, tenant jalousement ses joyaux minuscules et fascinants au coeur de son écrin d'oliviers.
Ce jour là, fatiguée du bruissement des grandes vagues et des alignements de parasols, je suis partie à l'aventure sur une bicyclette tremblante, le chapeau bien enfoncé sur la tête, le foulard pardessous, prenant exemple sur le costume des djerbiennes. J'ai mis le cap sur l'intérieur de l'île, pressentant quelque miracle bien caché.
Evitant de justesse quelques 4X4 déchaînés fonçant vers Guellala, j'entrepris de m'enfoncer dans les oliveraies épanouies sur des pistes sablonneuses. Après 5 kms de pédalage tranquille, je m'arrêtais dans le silence, étonnée de découvrir une île méritant son gracieux nom de Djerba la Douce.
Un enfant nonchalant poussait devant lui un âne non moins pressé, quelques poules bataillaient en grattant le sable, les oliviers trapus et enlacés arboraient de petits fruits serrés hésitant entre le vert et le rouge, tandis que de gracieuses jeunes femmes riaient dans leurs robes multicolores en me faisant des signes de la main.
Je posais mon vélo contre un monticule et l'enfant me fit signe de venir voir par delà le talus. Courant pieds nus devant moi, il escalada lestement un petit mur et je le suivis, amusée autant que curieuse. Puis il s'arrêta et me dit :
-"Regarde !" dans un français parfait et triomphant.
C'était une petite merveille blanche, aux lignes magnifiques, plantée au sommet d'un minuscule tertre, une de ces mosquées oubliées que les touristes ne visitent jamais et que le souvenir d'une paix ancestrale vient nimber de lumière et de sérénité. Une sorte d'édifice bâti avec le coeur en oubliant le fil à plomb, glacée de couches de chaux successives, penchée juste pour émouvoir et faire preuve d'humilité. A l'intérieur de la petite mosquée, la lumière filtrait avec douceur, éclairant une natte couleur de blé et de grandes écritures enlacées, noires sur fond blanc, au sens mystérieux pour moi qui ne connaissait pas la langue arabe.
L'enfant restait silencieux, m'observant de ses grands yeux noirs au milieu d'un visage bruni par l'été. Il s'était assis dans un coin, les genoux poussiéreux remontés jusqu'au visage.
J'ai fait le tour de l'édifice puis je me suis assise sur le pas de la porte.
Dehors Djerba rayonnait de la lumière de midi, deux pigeons roucoulaient dans l'olivier au tronc immense et tordu, dans le ciel ardent un avion déroulait lentement un fil d'argent...Et lentement j'ouvrais mes ailes dans une extase tranquille de papillon émerveillé.