En 1991, le gouvernement australien mit en place un programme de réconciliation nationale avec pour objectif principal de sensibiliser à l'héritage colonial afin de rendre justice à la minorité aborigène, largement marginalisée depuis la colonisation du continent. Fondée sur une éthique du respect d'autrui, la réconciliation supposait le repentir de la nation pour la violence de ses pratiques coloniales envers les Aborigènes, et le pardon de ces derniers. Elle exigeait donc un retour sur le passé, le discours officiel ayant toujours présenté l'Australie comme une terra nullius colonisée pacifiquement.
"
" En 1770, Le lieutenant "pritpossession" des deux tiers de l'Australie pour le Grande-Bretagne contre les ordres du roi stipulant qu'il devait d'abord conclure un traité avec la population indigène. Londres déclara que l'Australie est déserte ce qui permit permet l'établissement d'une colonie pénitentiaire. Cook a pourtant noté ses impressions sur les Aborigènes de Nouvelle Hollande dans son journal: en réalité ils sont bien plus heureux que nous les Européens... Ils vivent dans la tranquilité qui n'est pas troublée par l'inégalité de la condition. La terre et la mer leur fournissent toutes les choses nécessaires pour vivre... Ils vivent dans un climat agréable et ont un air très sain... ils n'ont aucune abondance". "
Ce mode de subsistance fondé sur la chasse et la cueillette avait curieusement convaincu Joseph Banks qu'il ne pouvait s'agir que d'une population côtière, survivant grâce au complément indispensable, selon lui, des produits de la mer. Puisqu'aucun exemple d'agriculture donné par des groupes vivant à l'intérieur n'était parvenu jusqu'à la côte, Banks en déduisit que le territoire devait être totalement inhabité. Les premiers observateurs débarqués avec la First Fleet ont pourtant témoigné d'une population indigène beaucoup plus nombreuse que prévu, résidant à la fois sur les côtes et dans l'intérieur. L'ensemble du continent, à l'évidence, est occupé. Les Aborigènes vivent sur des territoires aux frontières strictement délimitées. Chaque groupe connaît parfaitement les limites de son domaine de chasse qu'il quitte d'ailleurs assez rarement. Le franchissement de ces limites exige l'accord des groupes voisins et toute transgression à ces règles territoriales conduit au conflit ou à la guerre. Sur chaque territoire les individus possèdent en propre certains lieux qu'ils transmettent à leurs descendants. Dès les premières années d'occupation les colons ne peuvent ignorer le sentiment profond d'appartenance que les Aborigènes développent par rapport à leur territoire et les règles subtiles qui régissent les liens au sol. Les violences qui accompagnent systématiquement les avancées du front pionnier démentent la fiction d'une colonisation " paisible " et témoignent des luttes acharnées qui se mènent pour le contrôle des terres.
Les réactions des Aborigènes à l'arrivée soudaine des colons britanniques furent variées, mais inévitablement hostiles lorsque la présence des colons généra une compétition pour des ressources naturelles vitales et l'occupation par les Britanniques de terres aborigènes.
avec les Aborigènes, qui n'autorisèrent jamais la colonisation. Dans son livre The Other Side of the Frontier (De l'autre côté de la frontière),l'historien Reynolds décrivit en détail la résistance armée des peuples aborigènes, au moyen de , face à l'intrusion blanche sur leurs terres. Cette résistance, débutant au XVIIIe siècle, se poursuivit jusqu'au début du XXe.
En 1803, des colons britanniques quittent la Nouvelle-Galles du Sud pour s'établir sur la Terre Van Diemen ( aujourd'hui la ) qui devient une colonie séparée en 1826 et où habitent 6 000 Aborigènes . Le conflit avec les aborigènes dura jusqu'en 1828 où ceux qui n'avaient pas été exterminés sont envoyés sur l' île de Flinders ; on leur promit logement, nourriture et sécurité en attendant que le calme revienne. Malheureusement, beaucoup moururent de maladies importées par les Européens et les survivants ne seront jamais autorisés à retourner dans leur pays. Le squelette de la dernière survivante sera suspendu dans une vitrine au Tasmanian Museum où il resta jusqu'en 1947.
Ce qu'on a appelé la " guerre noire " a parfois été qualifiée de génocide " et il n'est toujours pas possible de chiffrer le nombre de morts.
Les coupables, soutenus par une partie de la presse, furent acquittés dans un premier procès (un des juré déclarant en substance " je considère les Noirs comme un ensemble de singes et plus vite ils seront exterminés de la surface de la terre, mieux ce sera. Je savais que ces hommes étaient coupables d'assassinat, mais je n'aurais jamais voulu voir un homme blanc pendu pour avoir tué un noir.")
Quant aux crimes commis par les Noirs, Willshire les réglait sur place, sans autre forme de procès. Aucun suspect n'était arrêté, aucun rapport rédigé, la justice était pour le moins expé-ditive avec les premiers habitants, qu'ils soient coupables ou innocents. SVEN LINDQVIST.TERRA NULLIUS. ED.LES ARENES.
En 1896 l'expédition Horn publia un rapport
" Son origine et son histoire se perdent dans les brumes sombres du passé. Il n'y a aucune trace écrite et peu de traditions orales. D'apparence, c'est un sauvage nu, hirsute, avec un type de traits qui, à l'occasion, sont très caractéristiques des Juifs [...]. On ne l'a jamais vu se laver. Il ignore ce qu'est la propriété privée, à l'exception de ce qu'ilporte sur son propre corps et qui le dissimule à peine [...]. Il n'a aucune croyance religieuse [...]. Il n'a pas de traditions, et pourtant continue de pratiquer avec une précision scrupuleuse un nombre de coutumes et de cérémonies atroces que lui ont transmis ses ancêtres et °dont il ignore tout de l'origine ou des causes [...]. Grâce aux efforts fatigables des missionnaires et des éleveurs, il est à présent rapidement rayé de la surface de la terre au nom de la civilisation, et dan sune centaine d'années,les seules preuves de son existence seront les fragments de silex qu'il a grossierement taillé.
La naissance de la nation australienne entraîna un renforcement de l'idéologie coloniale ; le projet culturel se résuma dans la politique explicite de d'" Australie blanche ", ancrée dans la Constitution par l'interdiction de l'immigration chinoise et kanak sur le territoire australien et la non-prise en compte des Aborigènes en tant qu'êtres humains, ceux-ci n'étant pas inclus dans les recensements à venir. . Dans les manuels scolaires par exemple, les colons sont décrits comme des hommes courageux et travailleurs qui explorent le territoire, qui contribuent au développement de la future nation et, par extension, à celui de l'Empire britannique, les écoliers étant invités à s'identifier à eux. Par contraste, les Aborigènes sont en un premier temps représentés comme le danger à éliminer, puis, une fois les guerres coloniales achevées, enfermés dans le
Au début du XXe siècle, un missionnaire allemand, T. J. Bishof , appointé " protecteur " des Aborigènes du Nord-Ouest, proclama, en plein accord avec les doctrines eugénistes régnant à cette époque, que tout métissage mett rait en danger l'avenir de l'Australie ; il recommanda de concentrer les Aborigènes dans des zones " protégées " pour empêcher qu'ils ne rencontrent des colons européens ou des contractuels asiatiques. Secondé par la police, le service social reçut à la même époque pour mission de rassembler de force tous les enfants à la peau plus claire que les autres. Les enfants métis étaient ainsi isolés et envoyés dans des institutions lointaines pour y apprendre à servir les colons. Le Native Welfare les gardait sous sa tutelle leur vie durant, gérant pour son propre compte aussi bien les dons des employeurs satisfaits que ceux des parents non aborigènes qui espéraient se les voir restituer un jour.
Les enfants aborigènes étaient élevés dans une grande liberté, aimés et bien entourés. Les Australiens blancs avaient souvent connu une existence moins enviable. La plupart venaient de Grande-Bretagne et beaucoup parmi eux gardaient le souvenir d'une enfance de dur labeur, à dormir sur le plancher d'une usine, sous les machines. D'autres se souvenaient d'une enfance orpheline, marquée à jamais par les brimades de l'internat. Comment réagissaient-ils à la vue d'enfants noirs qui grandissaient sans être punis, recevant beaucoup d'amour de leurs parents, de leurs frères et sœurs et des autres membres de la famille ? Malinowski lui-même ne put s'empêcher de mettre en garde les Aborigènes, qui selon lui ne corrigeaient pas assez leurs enfants. Il y voyait le défaut de leurs méthodes éducatives, " car ilest impossible de concevoir une éducation sérieuse sans traitement coercitif*7 ".cette politique, ajoutée à la poursuite des massacres et de nombreux autres actes criminels tels que l'empoisonnement des points d'eau ou la distribution de couvertures et de vêtements porteurs de germes infectieux, impliquait ni plus ni moins qu'une disparition planifiée, un ethnocide.
En séparant les enfants aborigènes à peau claire de leurs parents, on réussirait petit à petit à effacer leur identité indigène. Ils recevraient une éducation, les garçons apprendraient à i s'occuper du bétail et les filles à accomplir les tâches ménagères. À quatorze ans ils entreraient dans le monde du travail sans recevoir de salaire et apprendraient que leur place, dans la société des Blancs, se situait tout en bas de l'échelle. Dans la pratique, l'argent servit uniquement à garder ces enfants enfermés jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de travailler. SVEN LINDQVIST.TERRA NULLIUS.
Sur toute la période d'application de ce système, entre 1905 et 1960, la Commission royale d'enquête sur la " génération volée " a estimé qu'un enfant de couleur sur cinq a été enlevé à ses parents.
Entre 1972 et 1975, le gouvernement travailliste de Edward Gough Whitlam entrepritalors une redéfinition complète de la politique fédérale .
C'est ainsi que le site de Ayers Rock, lieu sacré dénommé Uluru par les Aborigènes, a été " restitué " à la tribu des Anangu par un accord passé avec le gouvernement fédéral en 1985 . Depuis la restitution partielle de terres à partir de , de nombreux Aborigènes sont retournés vivre sur les lieux de vie de leurs ancêtres - homeland - desquels ils avaient été chassés. Ces homelands sont, selon eux, leur identité intrinsèque, lieu des origines, lieu de vie de leurs ancêtres et de leur groupe familial. Ils sont donc pour la plupart concentrés dans les régions septentrionales du pays.
.
Ils sont aussi " propriétaires " de deux célèbres parcs nationaux : KAKADU et AYERS ROCK/ULURU.
Mais, après l'accalmie autour des années 80/90, les tensions raciales ont repris. Influencée par certains médias, une partie de l'opinion australienne est hostile aux Aborigènes qu'elle croit " privilégiés " du fait que les lois leur accordent certaines allocations spécifiques et la possibilité de revendiquer la restitution de leurs terres ancestrales. En pratique, aucune terre n'a encore été restituée sous le nouveau régime fédéral du Native Title Act de 1993, qui reconnaît aux groupes aborigènes le droit de présenter des revendications territoriales devant un tribunal spécial. Les centaines d'actions engagées, longues et coûteuses, suscitent de multiples conflits, y compris entre Aborigènes. En revanche sont remis en cause les arrangements fonciers permis par la loi de 1976, par exemple avec les trusts miniers qui avaient accepté depuis lors de payer des compensations aux Aborigènes.
Mais en 2001 cependant, une différence d'espérance de vie de 17 ans séparait toujours les Aborigènes des autres Australiens. Il y eut des débats, souvent acrimonieux, quant aux réponses à donner au problème de l'alcool, à la dépendance des indigènes à l'aide financière de l'état et au besoin d'un grand geste symbolique de réconciliation mené par le Parlement.
les Aborigènes sont actuellement autour de 257 000 dont 28 000 Insulaires du Détroit de Torres et un tiers de métis. Ils représentent 1,5 % de la population totale. L'accroissement de la population est dû à un taux de fécondité élevé des femmes aborigènes car le taux de mortalité reste très élevé.
Un tiers d'entre eux vivent en zone rurale. Moins d'un quart en zone urbaine avec un mode de vie à l'occidental. Le reste, soit la majorité, vit dans l'arrière-pays semi-aride de l'Outback, selon leurs usages traditionnels. Le Territoire du Nord possède la plus grande densité d'Aborigènes et 22 % de la.
population aborigène totale,plus ou moins sédentarisées.
Ceux des villes, au nombre de 90 000 forment la seule classe nécessiteuse d'Australie. En 1991, le taux de chomageest 2 à 3 fois plus important que dans le reste de la population australienne. La raison majeure est le manque d'un niveau suffisant d'études et de qualification professionnelle.
" La réconciliation a souvent été perçue comme un échec en Australie, ce qui est vrai au regard des questions de l'autonomie politique et des droits fonciers autochtones puisque le projet de traité a été abandonné) Elle a cependant imposé la révision de l'histoire officielle (L'invalidation de la terra nullius et de la discrimination par l'" Australie blanche " tout comme la reconnaissance des violences coloniales, donc les aspects fondamentaux de la révision de l'histoire, sont en revanche communément et fermement établies) et a permis qu'y soit intégrée une réflexion sur les origines et l'avènement de la nation qui apparaît aujourd'hui comme véritablement démocratique. Reste à savoir si l'histoire officielle révisée servira aussi les intérêts des Aborigènes dans le sens d'une reconnaissance concrète de leur place au sein de la communauté nationale et non dans celui, réducteur, d'une redistribution des rôles. " Sauvage-Garduño. Premiers Australiens !