Chronique du 4 janvier 2010.
Depuis la double confrontation contre Leicester en H Cup, tout le monde annonce Clermont comme l’équipe à battre autant en Coupe d’Europe qu’en H Cup. C’est vrai que les Auvergnats ont, en ce moment, des résultats irréprochables. Mais, à y regarder de plus prés, cette équipe présente des faiblesses qui peuvent se montrer rédhibitoire en fin de saison. Tentative d’explication.
Tout le monde se trompe sur ce qui fait la force de cette équipe :
Ces dernières saisons, à chaque fois que Clermont connaissait une contre performance, les journalistes spécialisés s’empressaient de critiquer les trois-quarts Auvergnats et plus particulièrement la charnière Mignoni – James. Ils se sont, à mon avis, à chaque fois trompé de cible. Les bons ou mauvais résultats de Clermont dépendent, avant tout, de la performance de ses avants. Prenez par exemple, la demi-finale et la finale de Top14 de la saison dernière. Les avants Auvergnats ont été impressionnants face à Toulouse avec notamment un énorme match de Jamie Cudmore en troisième ligne alors que contre Perpignan ils se sont progressivement éteints en deuxième mi-temps, payant certainement les efforts fournis en demi-finale. Et c’est pareil la plupart du temps. Si le pack Auvergnat arrive à jouer en avançant et à prendre le dessus sur ses adversaires, d’un coup, tout le jeu de l’équipe s’en trouve simplifié, la charnière a le temps de faire les bons choix, les trois-quarts arrivent lancés et les occasions de marquer se multiplient. Brock James, comme tous les 10 du monde, est plus à l’aise avec un pack dominateur qui lui offre quelques secondes de répit supplémentaires face à une défense sur le reculoir. Même un physique comme celui de Napoleoni Nalaga a besoin d’arriver lancé pour battre ses adversaires. C’est aussi simple que cela, encore fallait-il le voir…
Les Clermontois sont donc d’autant plus fort que leur composition d’équipe comprend des joueurs comme Scelzo ( ou Zirakachvili ), Cudmore, Vermeulen en forme en plus des Faure, Domingo, Ledesma, Bonnaire et autre Privat ou Pierre. Des joueurs capables de franchir en un contre un, de faire reculer la ligne défensive adverse et de libérer rapidement les ballons lorsqu’ils vont au sol. Ce n’est pas un hasard si Clermont joue bien en ce moment alors que Scelzo, Cudmore, Vermeulen ne sont pas blessés et sont même plutôt en forme. Le premier problème pour Clermont c’est donc de savoir si ces joueurs seront bien tous en forme aux moments cruciaux de la fin de la saison…
Clermont, un géant aux pieds d’argile :
Si Clermont tire sa force de ses avants et de leur capacité à franchir, il va falloir que ces joueurs-là soient au maximum de leur potentiel lors des matchs cruciaux. Exactement comme Cudmore l’était lors de la demi-finale, la saison passée. Et c’est là où un premier problème se pose. Lorsque l’on regarde les caractéristiques de ces joueurs, on voit tout de suite leurs âges respectifs : 34 pour Scelzo, 37 pour Ledesma, 33 pour Faure, 32 pour Audebert, 31 pour Cudmore, Bonnaire et Vermeulen. Rien de dramatique en soi sauf que c’est obligatoirement handicapant dans un pays où les équipes jouent beaucoup et les temps de récupération sont donc d’autant réduit pour les joueurs. Comme l’équipe est en train de le prouver actuellement, Clermont a besoin de Scelzo, Cudmore, Ledesma, Vermeulen et ce d’autant plus qu’elle vient de perdre White, 31 ans, pour le reste de la saison. L’effectif des avants Auvergnats est riche mais une équipe composée de Domingo – Cabello – Zirakaschvili – Pierre – Jacquet – Lapandry – Bonnaire – Baudry par exemple n’a certainement pas la force de pénétration de celle qui a démarré contre Toulon, hier soir, et comme Clermont l’a prouvé par le passé, c’est handicapant pour la performance de l’équipe.
La ligne de trois-quarts de Clermont présente aussi des faiblesses qui peuvent handicaper l’équipe. Le replacement d’Aurélien Rougerie au centre en est le meilleur exemple. Depuis son arrivée à Clermont, Vern Cotter est à la recherche de la meilleure formule au centre. Il possède des joueurs de qualité à ce poste mais pas la paire idéale qui offre à son équipe solidité et créativité en même temps et lui permet de se sortir de n’importe quelle situation. Le choix d’Aurélien Rougerie est d’ailleurs excellent. Celui-ci se révèle à ce poste et devrait s’y imposer pour le reste de la saison. Mais encore une fois, Vern Cotter n’a pas le partenaire idéal pour être complémentaire avec l’ailier international. Canale est solide mais dans un style qui se rapproche trop de son partenaire, Baï apporte plus de créativité mais manque de constance, Fofana est encore un peu jeune en cette saison où il découvre, brillamment d’ailleurs, le Top14. Celui dont le profil pourrait correspondre par une capacité créative qui pourrait être parfaitement complémentaire est Benoit Baby, mais Vern Cotter ne l’utilise quasiment plus à ce poste. Il reste le sud-Africain Marius Joubert, qui avait été impressionnant à ses débuts sous les couleurs Clermontoises, mais à du mal à confirmer depuis, souffrant de trop nombreuses blessures depuis pour pouvoir confirmer. Vern Cotter a encore le temps de trouver la solution idéale mais il faudra pour cela qu’il soit épargné par les blessure. Et entre Baby, Joubert, Malzieu et le peu de choix au poste d’arrière, sa marge de manoeuvre peut vite se révéler limitée. Or, plus encore qu’au niveau de Brock James qui reste un excellent animateur et distributeur de jeu, c’est au niveau des centres que la créativité de la ligne de trois-quart doit se manifester pour pouvoir battre des défenses qui montent très haut pour couper les extérieurs, et, pour le moment, les Clermontois restent largement perfectibles à ce niveau…
Quelle fin de saison pour Clermont ?
Il est bien sûr trop tôt pour prédire quoi que ce soit et surtout très prétentieux d’avoir des certitudes. De plus je ne souhaite que des bonnes choses à un club qui mérite des titres. Néanmoins, il me semble que l’avenir de Clermont, encore plus, peut-être, que certaines équipes, dépend de la santé de ses joueurs cadres. Sans la force des Scelzo et Cudmore qui vient s’ajouter à la puissance des Faure/ Domingo, Ledesma et Zirakaschvili et au rayonnement des Privat, Bonnaire et Lapandry/Audebert, les auvergnats auront du mal à enclencher la marche avant. Sans une paire de centre créativement complémentaire et une ligne de trois-quarts où Napoleoni Nalaga est servi lancé et non arrêté, je ne vois point de salut. Maintenant, c’est vrai que les Clermontois sont bien placés aussi bien en HCup qu’en Top14. C’est vrai que le profil de cette équipe, très solide physiquement, correspond bien à celui d’une compétition comme la HCup où il faut notamment affronter des provinces Irlandaises supérieurement armées à ce niveau-là. Et que comme, en plus, la Coupe d’Europe comporte peu de match, 5 au maximum, les vieilles artères des avants Clermontois pourraient parfaitement correspondre à ce profil.
Ca, c’est la version optimiste, car il ne faut pas oublier que ces 5 matchs sont étalés sur 5 mois entrecoupés de rencontres de Top14 où les Clermontois voudront bien figurer, c’est à dire autant, malheureusement, d’occasions pour les joueurs de se blesser et se fatiguer . Que, de plus, les Clermontois, s’ils se qualifient, attention quand même aux Ospreys, devront certainement joueur leur quart de finale à l’extérieur, l’hypothèse la plus probable étant même de rencontrer Biarritz à Anoeta, ce qui représente une difficulté de plus à surmonter. Et que donc, si les Clermontois arrivent en cette année 2010 à remporter un titre, ils auront réussi à tirer parti d’événements qui, au départ, ne leur étaient pas favorables. Mais qui a dit qu’impossible n’était pas auvergnat ?