C'est Daniel Schneidermann qui avait attiré mon attention sur le nouveau grand cliché de la majorité présidentielle : l'envoi de signaux et surtout de signaux forts. A la veille de Noël, je n'avais pas cru bon de rebondir, mais j'avais bien conservé le sujet en notes pour un billet que voici.
Que trouvons-nous à l'origine de la fameuse signalétique ?
D'abord des signaux boursiers :
Ce signal relance le mouvement en direction de la résistance à 87.50 EUR, correspondant au sommet historique. TF1-LCI.
C'est donc à elles de donner le signal du changement. Le quota de boursiers n'est certainement pas une méthode brillante. Les Echos.
Mieux vaut un signal prix qu'un signal quantité. Cette théorie, bien argumentée dans le rapport Rocard, est classique et solide. Les Echos.
Le MACD est positif et supérieur à sa ligne de signal. Cette configuration confirme la bonne orientation du titre. TF1-LCI
L'analyse technique donne peu de signaux clairs à court terme. TF1-LCI.
Les indicateurs stochastiques ne donnent pas de signaux clairs pour les jours à venir. TF1-LCI.
Alors on aura les deux : une couche de signal-prix sur la couche de signaux-quantités déjà en place. Les Echos.
Ces prix devraient en principe donner les bons signaux pour que les investissements vers des systèmes moins carbonés se fassent au plus vite. Or on peut craindre que la financiarisation des marchés ne se traduise par des volatilités excessives qui brouillent les signaux économiques réels. Les Echos.
Ces phrases sont du pur charabia ne voulant strictement rien dire, comme il se doit dans des textes économiques, qui tiennent plus des sciences occultes du type astrologie ou chiromancie que d'une analyse un peu rationnelle. En économie financière, on pense de manière illogique et on raconte n'importe quoi pourvu que cela ait une apparence de sérieux. Il ne faut donc pas s'étonner ensuite de trouver un ministre de l'Intérieur racontant ainsi que le nombre de voitures brûlées lors des fêtes constitue un "signal positif" alors qu'il est plus important qu'il y a dix ans. C'est le langage des grandes écoles : "Il est exact que les grandes écoles, avec plus ou moins d'enthousiasme, ont commencé à donner des signaux positifs aux élèves moins favorisés par l'origine sociale." (Les Echos, toujours.) On ne pense pas en termes d'action, mais de signaux qui sont clairs, positifs ou forts (le langage est réduit à sa plus simple expression, le contenu du signal importe peu, tout est dans la tendance.)
Dans cet univers totalement clos, on ne s'exprime pas comme le reste de la population, on lui envoie des signaux parce qu'elle est loin, très loin. Et ce langage à part fournit ensuite celui des principaux journalistes politiques ou économiques du pays ou des fameux décideurs. Comme nous subissons une politique du chiffre à tout prix, il est normal de voir que la réalité sociale de ce pays soit traitée exactement comme une valeur boursière.