A la merci de plaques tectoniques instables, la ville indonésienne de Padang ( 900 000 habitants) est assise sur une bombe à retardement. Située près de la faille de Sumatra, elle pourrait être dévastée par un séisme tsunamigène "d'ici trente ans", d'après les spécialistes de l'Observatoire de la Terre à Singapour. Grâce aux satellites, les chercheurs ont pu ausculter les déformations à la surface de Padang. Leur diagnostic est sans appel : "La subduction de la plaque indo-australienne et du bloc de la Sonde risque de produire un séisme dans les années à venir, avec une magnitude estimée à 8,8 sur l'échelle de Richter. La population doit se tenir prête à l'éventualité d'un tsunami". Aussi violente fut-elle, la secousse de cet automne n'a pas résulté du même mécanisme. Elle a pourtant témoigné d'une inquiétante fragilité tectonique: les récents tremblements de terre à Sumatra ont rompu tous les segments de la subduction : Aceh en 2004, Nias en 2005 et Bengkulu en 2007. Tous sauf un, celui en face de Padang qui, après deux cents ans de compression, est prêt à rompre. D'après de nombreux chercheurs, le compte à rebours est déjà lancé : il se produit ici un séisme de subduction majeur tous les deux siècles environ. L'analyse du corail a permis de déterminer que les trois derniers dataient de 1380, 1600 et 1833. Padang va-t-elle bientôt connaître un drame sans précédent ? Face à la menace d'une vague de 10 à 15 mètres de haut, les autorités indonésiennes comptent sur leur dispositif anti-tsunami : centres d'alerte ouverts 24 heures sur 24, bouées détectrices au large, sirènes sur les plages et envoi par SMS de bulletins d'informations. La ville a mis en place trois niveaux d'alerte, du simple avertissement à l'évacuation générale. Les autorités ont aussi réalisé une carte des zones à risques avec une sensibilisation des populations les plus proches du littoral. Pour plus d'efficacité, les radios locales et les mosquées relaieraient aussi ces messages de sauve-qui-peut. A peine remis du 30 septembre, les habitants espèrent échapper à un tel scénario catastrophe. Malgré tout, ils se préparent au pire. Depuis des mois, ils sont sensibilisés aux risques d'un raz-de-marée géant : simulations et exercices d'évacuation, cours de sciences dans les écoles, distribution de guides de secours, séances de natation gratuites pour les enfants, ces campagnes de prévention doivent aguerrir la population en vue du jour J. Apprendre à nager aux plus jeunes ou expliquer en classe pourquoi la mer se retire avant l'arrivée d'un tsunami permettraient déjà de sauver des vies. De son côté, la Croix-Rouge française a parié sur la formation. Avec son homologue indonésien (PMI), elle vient de créer des équipes de sentinelles dans trois quartiers de la ville. Baptisées C-BAT, elles sont chargées d'alerter, de secourir et d'évaluer les besoins en cas de séisme. Dans ces zones, "soixante volontaires ont été entraînés pour les évacuations d'urgence, les premiers soins ou la distribution de l'aide alimentaire. Les Satgana, l'élite des PMI, ont aussi reçu une formation spécifique à la gestion de crise", souligne le responsable du programme de prévention des catastrophes. En cas d'alerte, les habitants auraient moins d'une demi-heure pour fuir. Par où ? Située en bord de littoral avec des routes parallèles à la côte, la ville n'offre pas de bonnes issues de secours. Si les ponts et chaussées sont en train d'être expertisés, sans promesse de rénovation ou d'élargissement, les infrastructures ne supporteraient pas un exode massif. "Un afflux de voitures entraînerait une congestion du réseau, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques", concède Nagel Kai, professeur à l'université technique de Berlin, qui élabore en ce moment des plans d'évacuation. "Les rescapés devront rejoindre les collines à partir d'itinéraires secondaires. L'autre solution est la fuite à pied vers des buildings stables et sûrs". Construits selon des techniques parfois douteuses, les bâtiments existants vont devoir être "renforcés", conseille Patrick Coulombel, président de la fondation des Architectes de l'urgence, dont une équipe travaille à la reconstruction de Padang. Lui prône cependant une autre solution : "Pourquoi ne pas songer à des refuges en hauteur, multifonctions, qui répondraient aux normes antisismiques ? Les sinistrés pourraient s'y abriter avec tout le nécessaire de survie à l'intérieur." Les autorités étudient cette solution. Au Bangladesh ou en Birmanie, on a choisi ce système pour se prémunir des cyclones.
Source: Croix-Rouge, Observatoire de la Terre de Singapour