On aime le Lucernaire, sa vieille rue pavée qui habille une usine désaffectée (de fabrication de chalumeaux), son bar où traînent jeunes lycéens avec chemises à col et barman à la cool, ses livres de l’Harmattan -le propriétaire des lieux- que vend, perdu entre le restaurant et les caisses, un sympathique monsieur, ses minuscules salles de spectacles auxquelles on accède par des escaliers en colimaçon qui craquent sous les pieds des retardataires honteux et où l’on admire des comédiens courageux qui vous transmettent avec trois fois rien, de la lumière et leur jeu, des textes d’hier et d’aujourd’hui.
Encore une fois, pour Allah n’est pas obligé, une farce carnassière, on a le nez sur les acteurs qui emplissent une salle quasi vide, seulement tapissée d’un long voile blanc, receptacle des vidéos projetées. Les deux comédiennes se font tour à tour porte parole de Birahima, un enfant soldat balloté dans « le bordel au carré » des guerres libériennes et sierra léonaises. Elles racontent avec la terrifiante candeur du roman les manches courtes et les manches longues, le dépeçage des corps et la joie de recevoir une kalache… Leur gestuelle et leurs grimaces enfantines répétitives sont souvent inutiles….: les litanies et ses expressions passées en boucle faisaient, à la lecture, respirer un texte dense et difficile émotionnellement tandis que les bouffoneries réitérées sur scène alourdissent un récit moins intelligible car forcément raccourci. Le théâtre avait déjà bien à faire avec 233 pages de guerres tribales africaines, 233 pages de « bordel au carré »...
On conseillera vivement la lecture du roman qui a reçu les prix Renaudot et Goncourt lycéen en 2000.
Allah n’est pas obligé, farce carnassière Jusqu’au 3 janvier 2010 au théâtre du Lucernaire, 1h10
Allah n’est pas obligé, Ahmadou Kourouma, Ed Seuil, 2000, 233 p