L'ex Poet Laureat Andrew Motion a quitté ses fonctions voilà quelques mois, mais n'en continue pas moins d'alimenter l'actualité poétique en réflexions personnelles, visant du même coup l'enseignement en Angleterre. Lequel manque d'une chose : le développement de l'imaginaire pour les élèves. En même temps, constate-t-il, pas évident d'y parvenir en faisant étudier des chants de supporters de football ou des textes de rap, plutôt que de la poésie...
En agissant de la sorte, les écoles sous-estiment l'intelligence de leurs élèves autant qu'elles étouffent leur créativité. L'obstacle réside en ce que les profs eux-mêmes ne sont pas équipés pour transmettre un enseignement poétique décent : moins de la moitié serait titulaires d'un diplôme de lettres et la poésie, ben, ça n'attire pas des masses. Ni les masses, d'ailleurs. Il nous faudrait un bon vieil Aragon pour nous sortir de là. Ou pas.
Eminem, puisqu'on en parle...
Et Andrew de déplorer que la poésie s'articule, dans les classes, autour de la dissection de la métrique ou des figures de style - combien de vers, quelles allitérations, etc. Une solution : organiser un grand concours national de poésie où ils laisseraient s'exprimer leur créativité, tout en découvrant ce que peut être l'écriture. Car les meilleurs poèmes pour enfants ne sont pas nécessairement ceux qui sont écrits avec une âme d'enfant.
« Notre défi consiste aujourd'hui à faire en sorte que nos élèves profitent de tout le panel d'écriture qui se présente à eux... C'est très tentant et en particulier avec les élèves qui sont déjà inquiétés ou méfiants voire n'apprécient pas la poésie, de tenter de les convaincre en leur apportant quelque chose qui semble parler directement à leur expérience, en faisant des choix de poèmes sur le football pour un passionné ou le rap pour un fan de Eminem. »
Il n'y a rien de problématique avec tout cela estime Andrew, le tout est de recourir à des outils adaptés au public que l'on tente de cibler. Mais les profs considèrent trop que ce genre de pratique serait une trahison à l'égard de leurs devoirs envers la poésie. Les programmes pédagogiques ne sont simplement pas équipés pour ce genre d'enseignement.
« La poésie est à la fois une création très primitive et très subtile - une expression de notre passion fondamentalement humaine pour le délice du rythme, des sons », ajoute Andrew. Un appétit qu'il faut apprendre à cultiver...