Les recettes d'Oncle Ted

Je reconnais volontiers que le sujet de la session précédente de l'Atelier d'écriture n'était pas facile. Faire rire est une tâche très difficile, contrairement à ce qu'on croit. Et puis, comme le disait le dessinateur Fred, «L'humour est une chose trop sérieuse pour être confié à des rigolos». Mais l'Atelier Ted et Eux a le goût des challenges de l'impossible. En plus de la critique des textes par Isabelle, voici donc quelques pistes qu'on pouvait suivre avec profit pour faire sourire nos lecteurs avec les sujets proposés.
Les effets humoristiques dans un texte sont difficiles à expliquer. On ne peut appliquer bêtement des recettes toutes faites, tout étant affaire de situation. A l'oral, la personnalité de celui qui raconte est un élément fondamental. Il y a des gens qui font rire rien qu'en entrant sur scène. Je ne l'aime pas vraiment (c'est un euphémisme), mais un type comme Régis Laspalès est de ceux-là, qui font rire en vous lisant l'annuaire. Moi, quand je lis l'annuaire, au bout de deux pages, les gens décrochent. Les mots crus déclenchent aussi souvent le rire, rien qu'en les énonçant. Certains humoristes cèdent à cette facilité (Bigard, Dubosc, pour n'en citer que deux). Mais essayez de les prononcer avec sérieux, et vous verrez. Prenez un poème, une chanson connue, remplacez quelques mots par d'autres, choisis dans le répertoire grossier. Le résultat est garanti... Des générations d'écoliers ont ri ou fait rire avec ces pastiches d'œuvres ou de chansons célèbres (cf. le fameux Les portes du pénis entier de notre Johnny national).

A l'écrit, le comique naît du mode de narration, du vocabulaire employé, du décalage... La transgression, l'incongruité, la surprise fonctionnent à merveille. Les évolutions brusques de la situation fournissent également leur dose d'effet comique. Et cela en allant du plus simple (le burlesque: ce qui arrive est drôle, comme la tarte à la crème des temps du cinéma muet), au plus sophistiqué, comme par exemple le "décalage précieux", quand un texte est empreint d'une emphase excessive comparé à la modestie du sujet traité.
C'est un effet qu'on pouvait utiliser dans la définition du Vistemboir. Qui dit définition, dit Dictionnaire, et respect de la façon avec laquelle sont présentées les définitions en question dans cette publication. C'est très important. Il faut qu'on ait vraiment l'impression de lire une vraie définition sortie du Petit Larousse. Regardez comment elles sont construites et suivez le même cheminement. Cela vous permettra alors de prendre votre lecteur par surprise. Comme dans la définition qui suit (je suis parti du texte publié par Sophie).

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Vistemboir : n.m. (du latin vistamborius, argot des légions romaines). Dialecte des ethnies des hauts plateaux du Vistembo (Afrique Equatoriale). Il est émaillé de quantité d'expressions vulgaires empruntées au langage des charretiers beaucerons, qui ont colonisé la région dès le XVIe siècle. Le sens de ces expressions a été perdu avec le temps, au point que les locuteurs actuels n'ont aucune conscience des horreurs proférées. Plusieurs missions catholiques dépêchées sur place au XIXe siècle ont tenté de moraliser le vocabulaire. Mais le sort funeste réservé aux missionnaires chargées de cette besogne et leur dépravation progressive des survivants au contact des populations locales ont découragé toute velléité réformatrice.
Exemples d'expressions du langage courant vistemborien :
- Jvaiten Mett'deu : Pouvez-vous me céder le passage, s'il vous plaît ?
- Jvaitaraché Lézieux : Veux-tu des litchies comme dessert ?
- Sam Fré Mal Ossin : Je serais ravi de te donner un coup de main, si tu me le demandes poliment.

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On pouvait traiter la description de la région de la même manière, en s'efforçant de rester dans le registre sérieux et emphatique des notices géographiques, pour amener tranquillement quelques précisions inopinées.
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Le Quercy-Futuna

Depuis la fin de l'exploitation de la dernière mine de charbon à ciel ouvert, cette région s'efforce de retrouver la tradition viticole qui fit sa renommée dès l'époque gallo-romaine. L'obstination des vignerons n'hésitant pas à planter à même les terrils des cépages aussi exotiques que le grand chenin, le ch'ti-prend ou le gamay-moila, allié au savoir-faire approximatif des mineurs reconvertis en maîtres de chais, a entrainé une surmortalité surprenante dans une contrée déjà ravagée par la silicose.

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Le dialogue comique obéit, lui, à quelques règles empruntées au théâtre. Il faut mettre en scène les protagonistes, distribuer les rôles, dérouler l'intrigue autour d'un thème amusant (dans l'exemple qui va suivre, c'est la perte de mémoire qui fournit la trame), et terminer par une chute. La cerise sur le gâteau consiste à utiliser un élément comique une première fois, à le réserver telle une sauce sur un coin de la cuisinière, puis à le resservir une seconde fois, avec un effet comique augmenté. Je ne sais pas je suis très clair, mais j'espère que vous comprendrez par vous même avec l'exemple qui suit. Les mecs, on va bien se marrer...
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Comme s'appelle-t-elle, déjà, cette nana qui boit son verre tranquille dans cette soirée populeuse ? Impossible de me souvenir de son nom. Je suis certain de l'avoir déjà rencontrée... Mais où ? La distraction est un penchant naturel, chez moi. Elle me joue souvent des tours. Au lieu de me rappeler des noms des gens, des lieux, des situations, je rêvasse au mauvais moment et tout passe à la trappe. Ce soir, en outre (si j'ose dire), ce petit défaut attachant est doublé d'un taux d'alcoolémie à faire péter les statistiques. Je n'irai plus aux soirées sponsorisées par Absolut, je le jure sur la tête de Jean-Louis Borloo. Je tente quand même ma chance, l'air faussement dégagé :
- Ah tiens, bonjour !
- ... Euh, oui, bonjour...
- Vous n'étiez pas à Buffon, au lycée ?
- ....
- Vous n'êtes pas copine avec Machine, celle qui organise...
- .....
- Mais on se connaît, non ?
- Ça ne me dit rien...
- Mais si !
- C'est possible que VOUS me connaissiez. Je suis comédienne...
En effet... Elle est à l'affiche de trois films, rien que cette année. C'est plus de la distraction, c'est Alzheimer. C'est pas un râteau, mais carrément tout Jardiland.
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Hi Hi Hi Hou Ha Ha Ho Ho... Comme je suis très bon public avec moi-même (c'est la moindre des choses...), je ris souvent de mes propres bêtises. Mais justement, je vais vous donner un secret. Si vous riez de votre production, c'est déjà gagné. A bon entendeur...