Mots tessons
La présentation qui suit des deux premières publications des éditions Mots tessons me permet de saluer la naissance, en 2009, de cette maison d’édition créée par Armand Dupuy et Stéphane Dussel. L’exigence dont elle fait montre témoigne d’une même volonté tenace d’offrir un nouveau champ à la création poétique contemporaine. Quand on connaît les difficultés liées à sa diffusion, on ne peut qu’encourager cette initiative et, mieux, la soutenir. Mots tessons assure la distribution et la diffusion de ses ouvrages par ses propres soins. Vous en saurez plus en visitant son site :
Mathieu Brosseau, L’espèce, Mots tessons éditions.
Le poète n’habite plus l’espace, il habite l’espèce. En cela, il a opté pour une animalité qui le fait singer l’homme. Ce décor planté, Mathieu Brosseau soulève deux interrogations : Et s’il ne fallait plus dire / Que les signes du silence, Et s’il fallait dire l’absence / Quels seraient les signes du silence ? C’est dans la négation d’une identité perdue que les signes pourtant continuent de s’inscrire, même si l’encre ne veut plus rien dire que sa trace. L’espèce navigue poétiquement entre deux rives sans savoir où accoster. Je suis ce qui me précède (…) je vois l’absence à reculons, autant de formulations pour signifier l’état de dépersonnalisation d’un corps rendu à son silence : cette espèce de corps qui me date / Et me contrefait. Les seules paroles restantes se frottent entre elles comme des cailloux sans parvenir à allumer quelque flamme éclairante, rassurante. La poésie de Mathieu Brosseau, ainsi que le souligne en préface Fabrice Thumerel, tire sa force autant, voire plus, de l’hypothétique que de l’hypnotique. Et ce petit livre, en tentant une implacable mise à plat du sujet poétique, ne cède pas vraiment au silence. Parce que la bouche humaine ne saurait se taire à jamais, parce que les paroles perdurent comme la vie et n’obéissent pas aux sentences.
Philippe Rahmy et Stéphane Dussel, Cellules souches, Mots tessons éditions
Livre pour le moins curieux, entrepris à deux sans
que l’on détermine vraiment la part de chacun, Cellules souches alterne sur une vingtaine de pages textes et
images venus en écho aux quelques lignes liminaires adressées par Stéphane
Dussel à Philippe Raymy. Cela commence ainsi : Il fut d’abord question d’un singe, d’un singe que j’avais sur l’épaule
et qui te grignotait les cellules…Plus loin, on peut lire : le langage définit ainsi deux manières de
vivre : apprendre à obéir, ou apprendre à naître. Passé le cap de choisir,
arrive la littérature dépourvue de fonction, et la solitude heureuse. Avec
elles, la liberté de se tromper, comme celle de quitter l’humain pour l’animal.
On retrouve ici des orientations présentes dans l’ouvrage de Mathieu Brosseau
commenté ci avant. Ainsi, cette phrase hypothétique : telle serait l’issue : l’état permanent de considérer l’impossible
comme acquis, et d’agir en conséquence. Une action visant à conquérir
l’inhumain. L’homme est-il assez sage pour libérer le singe en lui ?
Contribution d’Alain Helissen