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Adelina Patti

Publié le 08 janvier 2010 par Porky

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Les enregistrements d'Adelina Patti sont les plus anciens de tous les enregistrements de cantatrice puisqu'ils datent de 1905 et 1906... C'est dire si, avant tout, ils sont exceptionnels sur le plan historique car ils nous restituent (avec les moyens de l'époque) ce que pouvait être la voix de celle qui fut au 19ème siècle une des plus grandes étoiles du chant lyrique. On se prend à rêver, en les écoutant, à ce qu'aurait pu donner gravée sur un cylindre la voix de la Malibran... 

Cette soprano colorature, très vite après ses débuts appelée « la Patti », naît à Madrid en 1843 et meurt au pays de Galles en 1919. Dans sa famille, le chant tient une place primordiale : son père est le ténor Salvatore Patti et sa mère la soprano Caterina Barilli. Autant dire qu'elle baigne dès son plus jeune âge dans la musique et le lyrique. Ses deux sœurs, Amalia et Carlotta deviendront également chanteuses d'opéra.

Adelina Patti est encore enfant lorsque la famille quitte Madrid pour les Etats-Unis, New York plus précisément. Elle grandit dans le quartier du Bronx et commence très jeune des études de chant. Elle fait ses débuts à l'âge de 16 ans à l'Academy of Music de New York, en 1859, dans le rôle de Lucia de Lammermoor, personnage éponyme de l'œuvre de Donizetti. En 1861, elle est invitée au Covent Garden de Londres pour chanter Amina de La Somnambula de Bellini : elle a 18 ans et c'est un triomphe. Son succès est si grand sur le plan artistique et financier qu'elle peut acheter une maison à Clapham et tout en gardant une sorte de « pied à terre » au Covent Garden, elle se lance à la conquête du continent européen, interprétant notamment Amina à Paris et à Vienne : elle y obtient un succès mémorable. Dès lors, la légende de « La Patti » est lancée.

En 1862, invitée à la Maison Blanche, elle interprète devant Abraham et Mary Lincoln Home, Sweet Home : cette chanson restera à jamais associée au nom d'Adelina Patti et elle ne cessera de la chanter jusqu'à la fin de sa carrière.

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Cette carrière, d'ailleurs, la conduit aux plus hauts sommets de la gloire : elle parcourt les Etats-Unis, l'Europe, allant jusqu'en Russie, l'Amérique du sud : partout c'est le même triomphe, le même enthousiasme. A la pureté de son timbre de soprano, elle ajoute une tessiture impressionnante (elle peut monter sans difficulté jusqu'au contre fa), une agilité de rossignol dans les vocalises, une exquise douceur dans le legato. De plus, c'est une remarquable comédienne qui maîtrise parfaitement les techniques de la scène, ainsi que la gestuelle et les déplacements. Elle enchaîne les rôles les plus divers : Zerlina (Don Giovanni), Rosina (Le barbier de Séville), Marguerite (Faust de Gounod, photo ci-dessus), Juliette (Roméo et Juliette, du même Gounod), Gilda (Rigoletto), Leonora (Le Trouvère), Violetta (La Traviata)... On le voit, son répertoire est très large et varié.

Les anecdotes savoureuses ne manquent pas au sujet de la facilité avec laquelle elle prenait des « libertés » avec les partitions afin de mettre en valeur son agilité vocale. La plus connue (est-elle vraie ou non, fait-elle partie de la légende ?...) est celle concernant son interprétation de l'air de Rosina « Una voce pocco fa... » devant Rossini lui-même ; ce dernier, à la fin de l'air, aurait dit en complimentant la diva « c'est très bien, Madame, mais de qui est-ce ? »... Même anecdote, autre version : afin de faire briller les dons de la diva, son impresario Maurice Strakosch aurait lui-même rajouté des fioritures dans l'air de Rosina. Rossini aurait bien demandé « mais de qui est cette composition ? » et la réponse de Strackosch « mais de vous, cher Maître » lui aurait valu cette réplique cinglante : « De moi ? Oh non, c'est une Strackoschonnerie »....

Sa célébrité est telle que certains écrivains n'hésitent pas à l'introduire dans leurs romans ou du moins à l'évoquer, comme le fera Balzac pour la Malibran qui apparaît dans Splendeur et Misère des Courtisanes : c'est ainsi que « la Patti » est citée dans Nana de Zola, Anna Karénine de Tolstoï ; son nom apparaît dans un des airs de La Vie Parisienne, d'Offenbach.

Artiste de génie ne veut pas forcément dire mauvaise femme d'affaire : et « la Patti » sait mener rondement les siennes : elle demande 5 000 dollars en or pour une représentation, payables d'avance... et exige que son nom  sur les affiches soit imprimé en caractères beaucoup plus gros que celui des autres artistes de la distribution. Son contrat stipule en outre qu'elle est libre... d'assister ou non aux répétitions. Ce qui veut dire, en clair, qu'elle peut s'en dispenser si elle n'en a pas envie...

La création des premières techniques d'enregistrement (certes rudimentaires) permet à Adelina Patti de graver un certain nombre de chansons et d'airs d'opéra. Elle a alors 60 ans lorsqu'elle les enregistre. (Mais on trouve sur Youtube un très court enregistrement sur cylindre datant parait-il de 1895). Et, raconte Landon Ronald, son accompagnateur au piano, elle se serait écriée en écoutant sa propre voix sortir du cornet acoustique : « Ah ! Mon Dieu ! Maintenant je comprends pourquoi je suis Patti ! Oh oui ! Quelle voix ! Quelle artiste ! Je comprends tout ! » Touchante naïveté ou incommensurable orgueil ?...

VIDEO 1 : L'air des bijoux, extrait de Faust de Gounod.

VIEDO 2 : « The last rose of summer », extrait de Martha de Flotow, 1905.

Pour entendre l'air enregistré en 1895, cliquez ici.

 

 


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