L’urgentiste, la cigale frimeuse et le "choc de confiance":
Le conservatisme doit de combattre (aussi) au Palais...
EDITORIAL RELATIO par DANIEL RIOT: Six mois. « Le temps s’en va, le temps s’en va, Madame, le temps, non mais nous nous en allons »… Ronsardien, Sarkozy ! Il a raison. « Chuillons dès aujourd’hui les roses de la vie ». C’est ce qui est appréciable et le plus apprécié chez lui. Il sait maximaliser son temps en se jouant de l’espace. En donnant au temps l’épaisseur que seule l’action peut donner et en occupant l’espace qui compte le plus aujourd’hui dans le paysage politique: le « médiatique ». « Je me montre, donc je suis » : Descartes 2007…
Problème : autant un chef de gouvernement doit faire face à toutes les urgences, le « nez dans le guidon », autant un chef de l’Etat (même en république monarchique) devrait pour inscrire son action dans des perspectives d’avenir prendre de la hauteur (non de l’altitude) et de la distance (non de l’éloignement) par à rapport aux événements qui restent « l’écume des choses ». Sinon, il prend un risque, chargé de périls, qui est l’un des pièges majeurs des « décideurs « ne cette ère de « zappanthropie » aiguë : « A force de sacrifier l’essentiel à l’urgent, on oublie l’urgence de l’essentiel », selon l’excellente formule d’Edgar Morin.
En six mois, quoi de changé ?
>>> Un style de Présidence ? C’est sûr. Et c’est dans la logique du changement de régime (mais oui !) provoqué par un quinquennat et un calendrier électoral décidés …sans réflexions insuffisantes. « Réfléchir », en politique, c’est d’abord savoir anticiper et imaginer toutes les conséquences, directes et indirectes de ce qui est ou n’est pas décidé… Et « parler », quand on dirige un pays, ce n’est pas que débiter des mots avec tous les risques de dérapages, de tics verbaux et de contradiction que cela comporte, c’est porter une Parole. Nuance…
>>> Une tonalité politique ? C’est frappant. « Les choses ont commencé à changer, et ce n’est pas fini », sourit Sarkozy. Mais le mot « ouverture » est pipé. Inadapté dans ce qui est d’abord du « débauchage individuel » bien ciblé (qui permet à Sarkozy de pomper les idées et les forces du Centre Central de Bayrou plus que celles d’un PS toujours écartelé).
Il est évident que les « conservatismes » auquel prétend s’attaquer Sarkozy sont autant de gauche que de droite, même s’ils se manifestent différemment. Il est clair aussi que les clivages droite/gauche sont dépassés. Tout locataire de l’Elysée aurait tenté de faire « bouger les lignes ».
Nous sommes dans une période politiquement tectonique. Sarkozy s’y adapte plus qu’il innove. L’essentiel est affaire de tempérament et de vertige métaphysique. Relire « L’homme pressé » (le livre de Paul Morand, non la chanson de Noir Désir)
>>> Un activisme diplomatique ? C’est incontestable. Même si, quand on suit bien les choses, une Angela Merkel, par exemple, fait plus et mieux en faisant moins de « bruit » (c’est d’ailleurs ce que Sarkozy ne supporte pas chez elle…).
Oui, l’Union est sortie de l’ornière institutionnelle grâce à l’alchimie d’un traité « simplifié » qui plus… compliqué que le projet de traité constitutionnel … édulcoré.
Oui, les relations transatlantiques se sont assainies parce que Sarkozy (quoi qu’en disent ceux qui lui font des procès en « américanisme ») a conscience que ce ne sont pas les Etats-Unis qui sont trop puissants, mais l’Europe qui ne l’est pas assez…
Oui, ses intuitions méditerranéennes et euro-africaines sont bonnes, mais il n’a pas (encore) opéré les « ruptures » franco-françaises qui s’imposent. Pourquoi ne pas « européaniser » davantage ses démarches ? Il est des conservatismes à combattre … à l’Elysée !
>>> Des réformes ? Oui, Mais... En dehors du « paquet fiscal » qui ne va guère dans le sens de l’intérêt général, quelles sont les réformes (toutes menées de front) qui changent en profondeur les « choses », donc qui sont susceptibles de guérir la France de ses maux structurels ? Aucune.
Certaines (sur la recherche, par exemple) risquent même d’entraîner des régressions ou sont revues très « à la baisse ».
Les plus sérieuses (Grenelle de l’environnement) ne pourront se juger que sur les faits.
D’autres (la loi Hortefeux, notamment) sont d’une inspiration racialiste et néo-conservatrice qui (les élus UMP les plus soucieux des « valeurs » le savent bien) n’est pas conforme aux idéaux de la Résistance, de la République, des trois mots gravés sur nos frontons officiels.
Toutes seraient plus crédibles si des mesures étaient prises pour que les déficits français, les dettes françaises, les hypothèques françaises soient apurées. Sarkozy incarne bien, par ses goûts personnels cette France qui « vit au-dessus de ses moyens ».
Le malheur c’est que les victimes de ce surendettement et de ces conduites de cigales frimeuses se recrutent non chez les nantis, mais chez les plus pauvres et dans les classes moyennes qui ceux qui même en travaillant plus ne gagneront jamais assez… tant que les fruits du travail seront plus taxés que le « travail » de l’argent.
Alors ? L’ « état de grâce » est terminé. Ce n’est que temps : tous les spectateurs de la « Star Ac » ne sont pas de gogos… Et trop de communication tue la communication. Pour que l’Etat (encore à réformer en profondeur) trouve davantage de grâce aux yeux des Français et de nos partenaires européens, il importe sans doute d’en revenir aux mots : volonté n’est pas volontarisme, activisme n’est pas action, bougisme n’est pas réformisme, faire savoir n’est pas savoir faire…
Dans un pays, comme dans un hôpital, les services d’urgence sont nécessaires mais pas suffisants. Sarkozy urgentiste et pompier volant, n’a pas été élu pour constituer à lui seul un « SOS dépannage » (télévisé) .Sarko-Assistance travaille sans filet : c’est bon pour l’audimat, mais la vie d’une Nation n’est pas un reality show et ne se joue pas sur Second Life. Le "choc de confiance" annoncé n'est pas encore amorcé.
Daniel RIOT