Je me souviens comme si c’était hier. A l’école, Madame Bessis, une française expatriée, une engagée en littérature appliquée n’arrêtait pas de me lancer des avertissements. “Si tu veux progresser et aller de l’avant par respect à Molière et Hugo, il faut donner un sens à ta phrase. Ne soit pas compliqué. Soit court et précis. N’abuse pas des adjectifs. Fais des phrases simples. Le sens d’un texte dépouillé et concis invite à la lecture. Le contraire détourne le lecteur”. Par exemple dans cette note, il ne fallait pas citer Victor et Jean-Baptiste, ça alourdit la phrase et surtout ça dérange les Dieux de la littérature Française. En dissertation, j’étais le premier de la classe pendant toute ma scolarité pour l’orthographe c’était et ça reste une sinécure. Retournant à ma maîtresse de français, elle me disait: “si tu assistes à un film et tu veux écrire dessus, ne parle pas trop du sujet et n’encombre pas “le lecteur” par des détails techniques. Sois inventif sans perdre le sens du sujet, imaginatif en jouant sur le sens des mots, suggère et ne dévoile point. Et surtout, n’oublie pas de donner à ta phrase et à ton texte un sens compréhensible par tous.”
Quelques années plus tard, au lycée, une professeur très peu motivée pour qui la langue française n’est qu’un instrument d’enseignement, une matière parmi d’autres, abuse du dictionnaire pour humilier ses lycéens. A l’époque, malgré mon jeune âge j’étais pigiste dans un hebdomadaire sportif. Je parlais de judo que je pratiquais pendant quatre jours par semaine. Ma prof Larousse ouvrait le dictionnaire au hasard, posait son doigt avec le même hasard et nous défiait de trouver le sens du mot que le hasard a choisi. Plusieurs fois c’est elle avec la complicité active du dictionnaire qui était gagnante. Ce n’est pas qu’on était nul mais elle se contentait toujours du premier sens que l’incontournable, humiliant JE SAIS TOUT donnait comme signification. Dépités par ce manque de considération littéraire et face à l’incurie de l’enseignante qui mélangeait tout le temps le féminin avec le masculin on a décidé de mettre fin au jeu de massacre des mots qui n’avait aucun sens. Pire encore, pour lui rendre la monnaie de sa pièce, on lui a écrit une belle lettre remplie de bon sens avec l’aide du même précieux dictionnaire lui signifiant qu’on ne voulait plus d’elle. Deux mois plus tard et une dépression répétitive Madame Larousse a donné un autre sens à sa vie professionnelle en quittant en toute logique l’éducation. J’espère avoir donné un sens à ma note.
PS:Cette note à paru dans le blog collectif Vrac à lire et à relire
Toutes nos pensées pour ces deux innocentes victimes du terrorisme d'état