Une chose est sûre : l’impuissance arabe face aux événements qui se succèdent dans la région est simplement ahurissante. Les bombardements que subit Gaza depuis le 27 décembre 2008 et qui viennent d’être accompagnés depuis le 3 janvier par une incursion israélienne terrestre, sont venus mettre à nu des régimes arabes divisés plus que jamais. Il n’est même pas exagéré de dire que ce 27 décembre 2008 est un jour historique pour l’ensemble du monde arabe, historique dans le sens où cette partie du monde ne sera plus la même après les événements de Gaza : divisé entre régime modéré et régime extrémistes, le monde arabe a commencé une métamorphose aux conséquences dévastatrices : une métamorphose qui se fait dans la division. Et cette division aboutie à une impuissance complète.
Avant d’analyser de près quelques illustrations de l’impuissance arabe qui -contrairement à ce que disent certains- n’a pas commencé avec les événements de Gaza ; ces événements n’ont fait que la sortir au grand jour, essayons de voir de près l’historique de cette discorde.
Je commence par un adage arabe très célèbre selon lequel « les arabes se sont mis d’accord pour ne jamais se mettre d’accord », l’existence de ce genre d’expressions populaires témoigne du fait que les pays arabe souffrent (depuis toujours !) d’un problème de concordance des points de vues et d’unanimité dans les prises de décisions.
Seulement, ce qui est nouveau, c’est que d’une part ces divergences deviennent de plus en plus médiatisées. Et d’autre part, les régimes arabes ne tentent même plus de sauver la face avec les mises en scène habituelles (sommets arabes, réunions d’urgence…) qui avaient pour seule mission de faire croire aux populations de ces pays qu’il y avait encore de l’espoir de voir émerger un jour un monde arabe uni.
L’amplification de cette division arabe commencera avec deux événements de taille :
1- L’effritement du trio : Egypte – Arabie Saoudite – Syrie qui représentait les différentes tendances existantes dans le monde arabe et qui avait un certain poids sur le plan international.
Depuis l’assassinat de Rafik Hariri le 14 février 2005, ce trio a commencé sa descente aux enfers et aujourd’hui la Syrie a préféré à cette union une autre qui est celle avec l’Iran (et le Hamas). Alors que l’Arabie Saoudite a montré sa volonté de devenir une puissance régionale (et partant de prendre la place Egyptienne) ce qui n’a pas fait plaisir aux autorités du Caire.
2- La perte progressive –mais quasi-totale- par l’Egypte de sa place de leader (ou de porte drapeau) des pays arabe. « L’Egypte –tenue par son traité de paix avec Israël, affaiblie par sa dépendance à l’égard de l’aide américaine, terrifiée par l’extrémisme des Frères musulmans, accablée par les difficultés internes et obsédée par le problème de la succession d’un président Hosni Moubarak a bout de souffle – semble totalement incapable du moindre geste qui puisse soulager la misère de Gaza à ses portes. »*
Nous pouvons donc faire remonter à l’assassinat de Rafik Hariri, les premiers signes flagrants de cette division arabe. D’autres événements viendront par la suite amplifier d’avantage la discorde. *2
Au Liban, après la capture de soldats israéliens par le Hezbollah dans le but de les échanger avec l’Etat hébreu contre des prisonniers libanais, Israël mena en juillet 2006 une guerre contre le Liban causant la mort de plus de 1000 personnes et la destruction de la majorité des infrastructures libanaises.
A l’occasion de cette guerre, les pays arabes avaient encore une fois des postions divergentes : Ce qu’on appelle désormais l’axe des pays « modérés » considère que la responsabilité de ce massacre est a attribué aux « milices terroristes » du Hezbollah (shiite) qui ne feraient qu’exécuter les ordres de leurs parrain Iranien qui souhaite devenir une puissance régionale dominante au détriment des pays arabes.
De l’autre coté, pour ce qui est de l’axe des « extrémistes », le Hezbollah n’avait fait que son rôle de résistance et la responsabilité ne peut être attribuée à ses milices mais plutôt à « l’ennemi israélien » qui n’a pas besoin de prétexte pour commettre ses crimes.
Une guerre médiatique et politique intense aura lieu entre les deux axes. Désormais, l’union arabe est aux oubliettes.
Enfin, cela se confirmera avec les événements qui auront lieu dans la bande de Gaza en juin 2007. Le 15 juin 2007, suite à une guerre civile inter-palestinienne, les milices du Hamas finiront par prendre le pouvoir dans la bande de Gaza, évinçant totalement l’autorité palestinienne représentée par le Fath du président Mahmoud Abbas.
Encore une fois, les régimes arabes avaient des positions divergentes sur ce qui venait de se passer : les modérés appuyaient « l’autorité légitime et légale » à savoir l’autorité palestinienne, accusant le Hamas de jouer le jeu de l’Iran. Et les « extrémistes » pour qui leurs adversaires étaient au solde des américains et des israéliens, soutenaient le Hamas.
Hamza Belloumi
* Jeune Afrique, n° 2501, p.42
*2 En réalité le division du monde arabe remonte au début du 20 ème siècle. Mais des evènements particuliers viennent nous rappeler cette division : la guerre contre l'Irak a déjà été une heure de vérité pour le "monde arabe"