Il fallait s'attendre à une déception et elle est venue, trop tôt, à mon goût. Et c'est sous la plume de Valentine Goby qu'elle est survenue, de quoi me désoler plus particulièrement. Je suis très sensible à ce qu'écrit cet auteur depuis ses débuts, j'ai pu noter son évolution, ses changements, ses intérêts pour la femme, son intimité et tout ce qui touche le corps féminin. Son dernier roman s'intitule Des corps en silence, un joli nom, pour un roman dont le sujet ne pouvait que me plaire. On y parle de deux femmes, l'une à notre époque et l'autre en 1913. Claire roule avec sa fille Kay et refuse de rentrer chez elle où l'attend Alex. Plus d'amour, plus d'envie. Claire tend vers une rupture définitive et douloureuse. De son côté, Henriette est folle amoureuse de son homme, lequel l'a initiée aux plaisirs charnels alors qu'elle vivait un mariage sans éclat. Elle aime son homme, passionnément. Elle n'en peut plus de sentir qu'il se détache, elle veut renouer ce lien entre eux qui était si fort et qu'elle pensait indéfectible. Oui, elle est prête à tout. Par amour, pour son amour. Ses deux femmes s'entrechoquent, ou disons que ce sont leurs parcours qui se font écho. La construction est plutôt habile car chaque chapitre se termine sur un coup de tête, pour embrayer sur le suivant, comme par un effet de ricochet. Les deux femmes sont ainsi unies, elles ont en point commun de refuser le silence des corps. C'est un roman que je voulais à tout prix aimer, et que je pensais lire en me délectant, hélas je l'ai trouvé froid, cru et déroutant. Je m'y suis très vite sentie mal à l'aise. Je préfère le ranger de côté et envisager qu'un jour je vais le reprendre, Valentine Goby possède beaucoup de tact et de maîtrise pour impressionner ses lecteurs, je sens que des retrouvailles sont proches !
... elle aime ça : se perdre, à nouveau, et c'est aussi, pense-t-elle, parce que au bout du voyage il y a Alex, d'ailleurs moins Alex que la douceur d'une vie qui l'attend, une fois la parenthèse refermée, la quiétude, sa certitude quand elle rentrera chez elle, après. Un soir, dans sa chambre d'hôtel, elle reçoit un message sur son téléphone portable : "Ta peau me manque." Elle regarde s'afficher les lettres sur fond d'écran orange. Elle frémit. De ne rien sentir. Elle relit. N'éprouve rien. Ne sait pas quoi répondre. Caresse son bras. Sa nuque. Son ventre. Touche son clitoris sous la chemise de nuit. Les aréoles de ses seins. Se couche. Garde les yeux ouverts sur le noir. Elle est en train de mourir, comme Alex meurt dans sa tour de la Défense. La fin du manque. Du désir. La fin.
A noter, son précédent roman - Qui touche à mon corps je le tue - est disponible en poche chez folio.
Gallimard, 2010 -143 pages - 13,50€
NB : Ce roman a en fait besoin de temps, d'espace et de patience. C'est en relisant un bref passage, pioché au hasard, que je me suis aperçue combien j'avais été trop gourmande et maladroite avec ce livre. Il se délecte par petites gorgées, mais la lectrice sauvageonne qui est en moi ne sait pas faire ! ... :-/
Ou disons qu'elle a perdu le mode d'emploi.
Donc, même si c'est un livre de moins de 150 pages, il ne faut pas se ruer dessus et s'imaginer qu'il sera lu en deux coups de cuillère à pot. C'est tout le contraire !!!
Voilà donc un roman à garder sous le coude, et qui demande une approche timide, farouche et fatale.