Après toute ces années, c’est un processus que je connais bien. Précieux, parce qu’il est rare et magique lorsqu’il se déclenche. Déstabilisant aussi, puisqu’il créé une proximité unilatérale avec une personne qui ne vous connait pas mais dont vous savez (presque) tout. Elle ignore que vous puisez dans sa personnalité une énergie positive en exploitant la serrure dont elle a laissé trainer la clé. Freaky indeed.
Remonter dans l’histoire d’un blog et inévitablement du blogueur qui l’anime est un moment irremplaçable. Chronophage et exigeant aussi. Tellement fort que j’ai ressenti à chaque fois le besoin d’écrire ici dans la rubrique qui va avec. Pour laisser des traces du moment où j’ai découvert ces gens que j’aime, filles et garçons, c’est tout moi ça. Peu de points communs entre eux si ce n’est que je ne les connais pas en vrai, qu’ils ont tous un univers, une bonne dose d’irrévérence et cette capacité unique à me faire rire autant qu’ils me touchent. De façon souvent inexplicable, mais pas toujours, en tout cas pas aujourd’hui.
Étonnamment, le processus est toujours le même. Ca n’a pas manqué avec cette nouvelle découverte dans la catégorie garçon et surtout cette fois-ci avec le supplément de surprise qui me rappelle pourquoi, quelle que soit la tendance, je ne vois pas venir le jour où je me lasserai de partir à la découverte de nouveaux blogs.
Tout démarre avec la transposition assez fidèle sur le web de ce qu’on appellerait un “bon fit” dans la vraie vie. Comme la dernière fois, ce sont ses twitts (@LeReilly) probablement croisés via des contacts communs qui ont attiré mon attention il y a quelques semaines, jusqu’à cliquer dimanche dernier sur le lien en haut à droite : The Best Place.
Si la lecture de la première note m’intéresse et évite les fautes d’orthographe et de syntaxe à chaque phrase, je clique forcément sur le “à propos de”. C’est pour moi l’endroit le plus important d’un blog. Il dit tout, tout de suite, sur l’intérêt que je porterai au contenu plus tard. On sait en quelques minutes si la suite sera drôle, décalée, analytique, introspective, enrichissante, juste informative ou incroyablement impliquante. Avec l’auteur de The Best Place, on n’est pas déçu. Il y est d’emblée question de double personnalité, mais avec le second degré appuyé qui rassure. On comprend que le fort tempérament Benjamin Reilly aka BenReilly est l’avatar Internet du discret Matthias Jambon-Puillet dont on apprendra plus tard qu’il est un étudiant au Celsa de 23 ans et demi entre Lyon et Paris. On est d’emblée prévenus : son truc, c’est écrire. Ca tombe bien, j’aime les mots.
L’étape suivante, c’est la première note. Sans mettre la pression à ceux qui lanceraient leur blog ce mois-ci (j’ai des noms), la première note vous garantira ou fera potentiellement perdre en route un lecteur de blog comme moi. Le 6 avril 2008, Matthias “BenReilly” Jambon-Puillet s’y auto-décrit donc un mégalomane assumé, mythomane, très tôt attiré par le sexe opposé, hyper créatif, qui se rêve en BD scénariste faute de savoir dessiner puis en roman auteur compulsif plongé dans le blog “pour patienter”. En attendant que son roman déjà écrit ne voie réellement le jour. Le tout avec un style bouillonnant et un second degré qui se précisent, la débordante estime de soi qui exige 3 notes pour faire office de premier billet d’introduction et la naïveté de penser qu’il sera là tous les jours sur son blog.
Alors commence la lecture dans un ordre plus ou moins aléatoire de notes qui, je le sais déjà, vont me happer, m’obliger à dormir encore un peu moins que d’habitude pour tout dévorer, comme un livre qu’on ne peut plus lâcher. Vingt et un (21) mois plus tard, LeReilly a écrit six cent quarante neuf (649) billets. Soit mathématiquement plus d’un billet par jour. Foisonnants, parfois sinueux, mais toujours agréables à lire, intercalant des images taguées plus ou moins dans le fameux style BD pour s’adresser à lui-même, parfois des vidéos, avec une promesse tenue supplémentaire : chacune des notes raconte une histoire avec une idée très claire de son point de chute, dès le premier paragraphe. Ses sujets de prédilection : sans surprise l’écriture et dans une association moins évidente qu’il n’y parait, la lecture boulimique. La rubrique culture passe donc par le littéraire mais aussi le cinéma beaucoup, les tendances japonaises, la photographie qu’il pratique et le marketing, un peu. Mais surtout il livre énormément sur lui, sa vie avec ses (ex) petites amies, ses amis et son frère, d’autres traits de sa personnalité tels que la naïveté ou son penchant geek avéré, ses délires pathologiques ou sexuels.
Trois (3) jours plus tard, je dois admettre que je n’ai pas tout lu encore. Et comme toujours dans ces cas là, je ne commente pas même si l’envie ne m’en a pas manqué à de nombreuses reprises. Parce que les commentateurs sont déjà nombreux mais surtout parce que j’en serais littéralement incapable tant que je n’aurai pas lu l’intégralité des billets. Dans 6 ou 8 mois, peut-être. Son écriture reflète tellement le langage qu’il parle probablement, et qu’il décortique d’ailleurs, coloré de culture populaire issue de sa génération Y et de gimmicks qui tranforment par exemple les “é” en “ay” ; je ne suis pas sûr d’y assumer le décalage du mien (et j’en profite au passage pour placer un point virgule, totalement old school). Un langage sans doute encore plus irrévérencieux que ce que les premières notes ne le laissaient présager. Jubilatoire, souvent parce que trop bavard, comme j’aime.
Parmi les 200 billets que j’ai du lire intégralement, une bonne majorité m’ont laissé cette impression très tenace de découvrir, en dépit d’un parcours et de quelques traits de caractère assez différents, très exactement ce que j’aurais pu écrire à son âge si j’avais eu un blog.
Je ne sais pas si les pathologies communes sont nécessaires pour s’attacher autant que moi à ce blog. Mais ça vaut le coup de tester en tout cas, je pense qu’on peut me faire confiance puisque je n’avais pas menti dans le titre de ce billet.