Mémoire sélective

Cette manie des exigences contradictoires, donne à certaines rencontres des “reliefs” inattendus.
Le maire d’une petite commune du Calvados, Gonneville-sur-Mer, refuse de décrocher le portrait du Maréchal Pétain de la salle des mariages. On précisera qu’il ne s’agit pas d’un “affichage” récent, mais d’une iconographie “héritée”. Le vieux soldat en pleine “dérive sénile” y figure au milieu de toute la collection des chefs de l’Etat Français depuis des lustres.
J’ai parfois “visité”, des petites communes rurales qui s’enorgueillissent d’avoir conserver ces “images” jaunies au fil des ans. Il est vrai que je n’ai pas encore rencontré le vieux chef de Vichy, le plus souvent rapidement décroché par ses plus zélés admirateurs, à l’approche des troupes de libération.

La Licra crie au scandale et saisit le préfet du département pour faire cesser ce “trouble à l’ordre public” à Gonneville-sur-Mer.

Cette rencontre en “maison commune” avec le portrait du vieux chef de l’Etat collaborationniste n’est pas fréquente; ce qui lui donne son potentiel de buzzing . La Licra prétend même que c’est “unique” et assimile cette volonté de ne pas intervenir sur les effigies murales communales à du révisionnisme.
Certes Pétain a été chef de l’Etat, argumente-t-elle, mais on ne peut confondre l’Etat et la République; l’attitude du maire collectionneur serait ainsi condamnable.
Chacun portera en son coeur l’appréciation de son choix sur ce “respect” d’un tag institutionnel hérité.
Ma réflexion est tout autre.
Les voix qui s’élèvent pour exiger le devoir de mémoire sont jour après jour plus audibles; elles ont raison. Il faut se souvenir toujours : la lobotomie n’étant pas une bien fameuse thérapeutique. Mais mémoriser ce n’est pas gommer le moins glorieux pour ne conserver que ce qui arrange et sécurise.

Oui le Maréchal Pétain a été chef de l’Etat Français.

Oui il a valorisé une politique de collaboration avec l’occupant.

Oui des juifs ont été persécutés et livrés dans cette période trouble de notre histoire collective; d’autres ont été cachés et sauvés.

Oui l’immense majorité des Français, surtout préoccupée de nourrir sa famille, a soutenu la politique du vieux Maréchal et pendant presque toute la durée de l’occupation : la plupart passivement mais aussi souvent activement pour certains .

Oui ceux-là se sont subitement réveillés opposants quand la situation se retournait au désavantage de l’occupant.

Oui, Oui, Oui Pétain fait partie de la galerie des tableaux. Pourquoi vouloir le “décrocher”, quand on réclame par ailleurs la “mémoire”?

Je ne connais rien de ce maire normand et “collectionneur”. Si ses administrés sont mécontents de cette galerie du passé inhabituelle et pérennisée, ils le sanctionneront certainement aux prochaines élections. J’ai aussi des souvenirs d’auvergnats rapidement bâclés. Restons cohérents : réactions d’indignations, certes, mais non sélectives, devoir de mémoire, bien sûr, mais total et entier. Il y a encore dans notre beau pays de France, un nombre non négligeable de couples mariés en toute légalité républicaine non contestée jusqu’à ce jour, sous le portrait du vieux képi à feuilles de chêne. Il faudrait peut-être en examiner la validité ?

Pétain a été condamné par un tribunal invoquent certains; il doit donc disparaître. Comme le note l’historien Robert Aron, « le caractère le plus étonnant du procès Pétain, c’est qu’il ait eu lieu ». Un sondage Ifop (déjà), effectué en septembre 1944, deux semaines seulement après la libération de Paris, révélait que 58 % de ces Parisiens étaient hostiles à un tel procès. De Gaulle lui-même n’y était que peu favorable !

A deux pas de la mairie, à Gonneville-sur-Mer, est implantée une stèle à la mémoire des parachutistes du 1st Canadian Parachute Battalion, de la 6e Division aéroportée, tués aux alentours les 6 et 7 juin 1944.