Un communiqué de presse officiel et quelque peu lapidaire confirme qu’Atout France (ex-Maison de la France) « examine la possibilité de fermer sa filiale, Franceguide SAS, au printemps 2010. »
Même si la formule paraît un peu ambiguë, elle a déjà fait l’effet d’une bombe « etouristique ». Un sérieux revers et un constat d’échec sans doute difficile à admettre aussi spontanément avec toute l’énergie et l’argent public investi dans le projet depuis 3 ans, sans réel succès visiblement.
Pour mémo, « la SAS Franceguide est née de la volonté gouvernementale de rendre cohérents les dispositifs nationaux en matière de marketing (www.franceguide.com), de vente en ligne (SAS Resinfrance), et d’échanges électroniques de données (TourinFrance), par la création d’une plateforme unique en ligne intégrant information, promotion et réservation. » (Source OTEN).
Une belle ambition sur le papier, mais aujourd’hui Atout France estime que « cette initiative n’ayant pas donnée satisfaction […] une réflexion sur l’avenir de la réservation en ligne est en cours dans le cadre de la stratégie Destination France 2020, en concertation avec les acteurs du secteur ».
La norme TourInFrance enfin relancée !
Hervi Novelli (secrétaire d’État au Tourisme) lors de son intervention au cours des premières Rencontres Nationales du Tourisme le 12 octobre, précise que la norme TourinFrance (laissée en jachère depuis sa dernière mise à jour en 2004) serait pour Atout France un nouveau défi afin de favoriser l’interopérabilité des bases de données dans la description des objets touristiques (hôtels, musées, restaurants…).
Basée aujourd’hui sur une technologie « fermée », un des facteurs déterminants pour la réussite de cette nouvelle norme sera sans doute sa flexibilité à pouvoir :
- s’adapter dans le temps aux besoins et contraintes de chaque territoire dans la description de son offre ;
- intégrer les notions complexes de disponibilités et de tarifs (vaste programme…).
À priori les principaux outils de gestion de l’information touristique (CMS – Content Management System), avec lesquels sont équipés la plupart des organismes institutionnels, sont compatibles avec l’actuelle version de TourInFrance.
Reste à savoir si les sociétés d’ingénierie sauront faire évoluer leurs outils pour intégrer une actualisation (voir révolution) de TourinFrance, en import comme en export des données afin d’interconnecter facilement les différentes bases de données sans forcément développer des passerelles « sur mesure » qui nécessitent souvent beaucoup d’interrogations « serveurs » et par voie de conséquence un temps de réponse élevé face à un Google de plus en plus pressé comme la plupart d’entre nous d’ailleurs.
Un portail national de réservation à l’initiative d’opérateurs privés ?
Pour ce qui est de la distribution en ligne, Hervé Novelli avoue humblement que « L’État n’a pas vocation à commercialiser des produits. D’autres le font mieux que lui. »
Les fournisseurs privés de solutions de commercialisation (web-plannings, place de marchés, centrales de réservation, marques blanches, etc.) se livrent depuis quelques années à une concurrence farouche pour équiper les différents organismes institutionnels du tourisme en France. Enfin plus précisément ceux qui n’auraient pas choisi d’utiliser la « marque blanche » du SNR (Serveur National de Réservation). À ce propos que va-t-elle devenir à la fermeture de la SAS FranceGuide ?
La contre-partie de l’échec de la politique nationale sur ce sujet se retrouve aujourd’hui dans le manque d’homogénéité technologique à l’échelle du territoire national dans un marché administré par les sociétés éditrices de solutions de commercialisation qui imposent finalement aux institutionnels les contraintes et les limites techniques de leurs outils, face à des internautes de plus en plus exigeants.
En ce début d’année 2010, il est intéressant de signaler deux initiatives similaires provenant de deux sociétés privées qui ont chacune lancé leur propre portail national de réservation.
À ma gauche, Alliance Réseaux a ouvert son portail national de réservation original-France.com en quelques chiffres (Source Tourmag.com) :
- 300 « clients » (CDT, CRT, Chambres de Commerce et d’Industrie ou Offices de tourisme).
- des passerelles avec les systèmes de réservation des Gîtes de France, Pégasus (Groupe Accor et Louvre Hôtels), Services Loisirs Accueil, Logis de France, etc.
- 100 000 offres d’hébergements (hôtels, meublés, chambres d’hôtes, campings) et activités de loisirs.
À ma droite, B2F (Icor/Soprane) soutenu par quelques pontes de l’etourisme(pour ne citer qu’eux : l’ancien directeur général de Dégriftour, Francis Reversé et le fondateur de Nouvelles Frontières, Jacques Maillot) ouvrira prochainement AllinFrance.com (Source Extrait du communiqué de presse) :
- B2F équipe 40% des membres du Réseau National des Destinations Départementales (RN2D), 20% des relais Gîtes de France, plus de 80 offices de Tourisme, 90% des grandes stations de montagne.
- 40 000 produits seront commercialisés sur le portail national et issus des sites partenaires (offices de tourisme, stations de ski, hôtels, gîtes, campings).
- un budget de deux à trois millions d’euros sur trois ans pour soutenir le développement du nouveau site.
Au vu de ces chiffres mirobolants sur la mobilisation de l’offre, difficile d’y voir vraiment clair ou la France serait-elle devenue un territoire étrangement extensible. On peut cependant en conclure que ces deux opérateurs privés occupent un large périmètre et sont capables de proposer une offre considérable sans doute bien au-delà de ce que le SNR FranceGuide avait pu mobiliser jusqu’à lors.
Actuellement Original-France est déjà fonctionnel (bien qu’encore perfectible) alors que Allinfrance devrait voir le jour à la mi-janvier 2010. Ceci-dit, au vu de la petite démo Flash sur Allinfrance, on est rapidement frappé sur la ressemblance graphique des 2 sites, à commencer par le logo (couleurs et police de signature similaires), jugez-en par vous-même :
Face à une concurrence exacerbée et menée tambour-battant par les « pure-players » ou « agrégateurs » comme LastMinute, Booking, Homelidays et consorts, la force d’acteurs plus modestes comme Original-France ou AllinFrance est de pouvoir proposer la réservation d’une offre diffuse (rarement mobilisée par les premiers) et panachée (en termes d’hébergements et d’activités) sur un seul et même site de réservation, sans rupture pour l’internaute dans la réservation de son séjour.
Mais lorsqu’il s’agit de « vendre la France » les problématiques de commercialisation sont démultipliées et la manière de les résoudre sera sans doute décisive dans la réussite d’un portail national de réservation comme par exemple quid : du multi-canal de distribution, de l’ergonomie accrue des « formulaires » de réservation, du cross-selling, de la gestion des différentes langues, des systèmes de paiement internationaux, des différentes passerelles, normes et protocoles avec l’industrie touristique, etc.
Les solutions d’Alliance Réseaux ou B2F pourront-elles satisfaire toutes ces attentes ?
2010 : Une année décisive pour la commercialisation de la France
L’année 2010 constituera un vrai tournant pour la commercialisation de l’offre nationale avec sans doute une lutte à couteaux tirés entre Alliance Réseaux et B2F, enfin avec un brin d’utopie mais stratégiquement redoutable pourquoi pas une entente technique et commerciale entre les deux sur une fusion en un seul et même portail (ce qui engagerait sans doute des développements et des coûts supplémentaires de part et d’autre pour la mise en place de passerelles bilatérales, un risque financier mesurable) ?
Quoiqu’il en advienne, de quoi apporter vraisemblablement un peu de grain à moudre dans les réflexions menées par Atout France sur l’avenir du schéma « centralisation / normalisation / distribution » de l’offre nationale et que l’on retrouve aussi dans la volonté d’Hervé Novelli de « réunir prochainement les acteurs, agissant en amont et en aval pour lancer avec eux le renouveau de cette initiative qui n’a pu aboutir avec la SAS France Guide. On ne peut rester sur cet échec. »
Mais comme le disait Jacques Prévert et à méditer : «Fort heureusement, chaque réussite est l’échec d’autre chose ».