Région de l'Annapurna, Népal
Pour ce trek, avec un peu d'audace, il n'est pas nécessaire de partir avec un guide. Étant habitué à voyager léger, un porteur s'avérerait inutile. Quelques kilos de vêtements chauds et de provisions sur le dos, nous marchons au travers des rizières dénudées et des villages qui se préparent pour l'hiver. Nous suivons la rivière Marsyandi, qui de son bleu azur nous indique la voie.
Deuxième jour de marche, pas de regrets pour l'instant. Les muscles s'en tirent bien. Nous sommes contents, c'est la phase d'excitation.
Nous faisons un trek dit « tea house », ce qui en d'autres mots veut dire que nous marchons de village en village à la recherche d'un repas, d'un lit pour la nuit ou tout simplement d'un verre de thé. C'est un mode de voyage absolument génial que les hippies ont découvert dans les années 60 alors qu'ils utilisaient le vrai réseau de batthis (maisons de thé) implanté pour les commerçants qui transitaient par les sentiers depuis et vers le Tibet.
Aujourd'hui, ce mode de trek est devenu très populaire et les marcheurs de par le Monde accourent durant leurs vacances pour venir compléter ce qui semblerait être un des meilleurs treks de la planète. Heureusement pour nous qu'en fin décembre, l'hiver officiellement installé diminue énormément l'achalandage sur les sentiers.
Paraît-il que plus en altitude, le froid et la neige deviennent des facteurs de haute importance. Étant Québécois, cela ne nous effraie guère. Ça ne peut pas être pire que déblayer un banc de neige pour trouver sa voiture avant d'aller à l'école.
Tout ça pour dire que nous sommes prêts à tout. Ayant fait les ventes à Katmandu, nous portons fièrement notre nouvel accoutrement d'explorateurs polaires (surtout Nad).
Cependant, avant le froid sérieux, il faut gravir quelques milliers de mètres. Ces jours de marche sont franchement décourageants. La construction d'une nouvelle route rend la progression extrêmement pénible, causant de longs détours (qui nous font monter et descendre inutilement à maintes reprises), enlaidissent les paysages et trop souvent, nous sommes coincés entre deux caravanes de mules à l'activité digestive plutôt intense.
C'est durant ces jours que nous apprenons la définition du « plat népalais » (ça monte, ça descend et ce n'est jamais plat) et que nous entrons dans la phase choc.
Il faut continuer à enligner les pas et aller au-delà de la fatigue et de la perte d'intérêt parce que - bon… parce que. Plus l'effort s'intensifie, plus notre âme devient spectatrice de ce qui se passe dans notre corps.
(Corps) Hey en haut, t'essaies de te prouver quoi ?
(Raison) Ouin, veux-tu nous expliquer le but de l'exercice ?
(Parole) Bouclez là.
C'est le quatrième jour de marche, dont le deuxième dans des conditions poussiéreuses à monter et descendre toutes les pentes possibles et inimaginables. Nad en a marre (et moi aussi mais, je ne le dis pas) du « plat népalais » : « dynamitez moé toute ça bâtard ! ». Charmant.
Heureusement qu'inconsciemment, on devient dépendant de cette façon de se déplacer à la rencontre de la nature et des gens qui y vivent. C'est ce qui nous pousse à continuer.
Le cinquième jour, nous passons la soirée dans la cuisine de l'auberge - et donc la cuisine familiale. Nous sommes les seuls clients. Autour du feu de bois, que nous ne voulons plus quitter en songeant au pauvre un degré Celsius qui nous attend dans la chambre, nous faisons partie de la famille. La dame de la maison nous apprend qu'ils fermeront l'endroit dans une semaine et déménageront à Katmandu le temps que l'hiver passe. Ils amèneront avec eux la viande de kak qui sèche au-dessus de nos têtes.
Il neige durant la nuit. Le réveil est féerique. La marche est moins difficile que précédemment et les paysages de plus en plus impressionnants. Le moral est excellent.
Le village de Pisang (4 photos):
Nous avons le choix entre deux routes: la basse ou la haute. La basse est plus facile et plus rapide, mais la haute mène dans des villages plus intéressants et offre les meilleures vues sur les montagnes. On choisit la haute !
Au village de Ghyaru (3 photos):
Nous sommes définitivement dans la phase d'acceptation.
Du village de Ghyaru à 3670 m à l'ambiance médiévale, on aperçoit mieux que jamais l'Annapurna II et ses 7937 mètres. C'est la petite sœur de l'Annapurna I, le premier mont de plus de huit kilomètres d'altitude à avoir été gravi. Les deux gars qui ont atteint le sommet en 1950 ont tous perdu leurs orteils et l'un d'entre eux, Maurice Herzog, quelques doigts en moins, est devenu Ministre du Sport en France.
On suit un chemin escarpé le long de falaises en suivant les murs de pierre Mani (pierres sur lesquelles est gravé le mantra sacré servant à atteindre un état spirituel donné dans la religion bouddhiste ou hindouiste). On suit ce chemin jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de murs, et plus de chemin. La neige a brouillé les pistes.
À suivre (encore!)
-Will.