La parade des humbles ou Les Misérables en version picturale

Publié le 06 janvier 2010 par Frontere

Je me suis rendu à Paris entre Noël et le jour de l’An et, entre une visite, 80 boulevard Auguste Blanqui dans le XIIIe, au quotidien qui abrite ce blog, Le Monde, un passage à la maison Balzac, rue Raynouard dans le XVIe, quelques promenades sur les grands boulevards, un crochet par le parc Monceau dans le XVIIe, j’ai pu assister à deux expositions de peinture : « L’âge d’or hollandais » à la Pinacothèque, place de la Madeleine dans le VIIIe et « Fernand Pelez, la parade des humbles », avenue Winston Churchill dans le VIIIe également. C’est de cette dernière dont je vais vous parler.

Fernand Pelez (1848-1913) est dans le monde de la peinture l’équivalent du soldat inconnu dans le monde militaire. Il existe là une correspondance, comme aurait pu dire Charles Baudelaire. Ce peintre méconnu, donc, du grand public a eu le tort de s’intéresser aux humbles à la charnière du XIXe et du XXe siècle, l’époque que l’on nommait alors Belle était sans doute du même acabit que la France de M. Sarkozy ; la question sociale ne rencontrait pas le regard fuyant des bourgeois de la IIIe.

Mais, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, ne s’y est pas trompé : « Ces œuvres jettent une lumière crue sur l’inégalité, contre laquelle notre indignation doit toujours rester vive et notre volonté d’agir intacte » écrit-il en exergue de l’exposition.

Les petites gens et leurs petits métiers, voilà en effet ce à quoi Fernand Pelez s’intéresse : poulbots tels Le marchand de violettes (1885) ou le marchand de citrons (1895), femmes assidues Au lavoir (salon de 1880) qui évoquent pour moi l’univers de « L’Assommoir » de Zola que j’ai lu récemment ; paradoxalement, le romancier naturaliste ne prisait guère les tableaux de Pelez ; petit gars qui veut jouer au grand grâce à La Première cigarette (vers 1880), etc. Tout cela renvoie aux Misérables de Victor Hugo ou à son poème « Les pauvres gens » dans un style qui en est la version picturale. Peladan a qualifié Pelez de “peintre de la pitié” ; on peut aussi discerner en lui le peintre de l’envers de la Belle-Epoque.

Mais son talent a rencontré d’autres sujets, Les Danseuses (de l’Opéra s’entend, 1905-1909) où son art rappelle celui de Degas, mais un Degas plus audacieux dans l’expression de la nudité des chairs, ici couleur rose saumon, les danseuses sont enveloppées d’un halo protecteur, Les petites figurantes (1911-1913), plus proches de l’art à la limite de l’abstraction d’un Seurat à travers les regards absents des ballerines, ou encore Grimaces et misère - Les Saltimbanques (1888) à la limite du pathétique.

L’exposition continue au « Petit Palais » jusqu’au 17 janvier 2010.

(Article à finaliser)