C’est une femme bien étrange
Que celle qui vient, chaque nuit,
Ôter, du rêve, un peu d’ennui.
Est-ce un démon? Est-ce un archange
Qui l’envoie à mon blanc chevet
Montrer son corps que rien ne vêt?
Ses cheveux, qu’un feu roux embrase,
Croulent, en un rythme mouvant,
Sur sa nuque d’ambre vivant.
Sur son front brille une topaze,
Et l’éclat rauque de ses yeux
A parfois des reflets d’or vieux.
Son buste est pur, plein de souplesse…
Entre ses seins – deux althaeas -
Larges et beaux, un abraxas.
En vain, je quête une caresse,
Ou de ses yeux, ou de sa main,
Ou de sa lèvre de carmin.
Son corps est un poème jaune,
Impassible, splendide et fier
Méprisant de toute sa chair.
Jamais, il ne me fait l’aumône
De s’approcher par trop de moi…
Elle se tait, je reste coi…
J’ai l’espérance au soir qui tombe,
De la lassitude au matin,
Et je maudis l’impur destin
Qui me fait désirer la tombe,
Pour rester, éternellement,
Avec mon rêve ensorcelant.
(Paul Eluard)