Aujourd’hui, vingt ans après la chute du mur de Berlin, la crise mondiale n’a-t-elle pas été un prétexte pour un retour en arrière, une croissance de l’État et une dérive de la gestion publique ? N’est-elle pas le début d’une ère d’encadrement plus strict des libertés ? Des nouvelles justifications ne sont-elles pas trouvées pour réduire la liberté, notamment économique, avec le protectionnisme vert par exemple ? La réponse semble triplement positive tant les signes sont inquiétants : 2009 a été effectivement l’année d’une montée en puissance de la technocratie nationale et internationale.
- Aux USA la Fed, alors qu’elle est en partie responsable de la crise par sa politique d’argent bon marché (de 2001 à 2004) génératrice de bulles, a reçu des pouvoirs extraordinaires d’intervention au-delà de sa mission originelle : par exemple rachat de bons du Trésor américain (la dette américaine) et d’actifs toxiques.
- Après que le Président tchèque Vaclav Klaus a cédé, l’Europe politique a finalement été imposée de force à des peuples qui lui avaient dit non, et elle a désormais un « président » que les Européens, d’ailleurs, n’ont pas eu à élire. Par contre les garde-fous de Maastricht pour une gestion publique raisonnable ont eux, sauté à la faveur de la crise : déficit et endettement publics explosent.
- Le FMI qui était au bord de la faillite a vu son budget être presque triplé en avril, sans doute pour le féliciter de ses succès. Voilà donc une coûteuse bureaucratie internationale qui prospère sur la crise, comme elle le fait depuis la fin logique de sa mission en… 1971.
- La Banque mondiale a été moins chanceuse : si l’accord de Copenhague était passé, elle aurait eu une nouvelle opportunité de s’étendre avec de nouveaux pouvoirs, pour la gestion du système de compensation carbone entre le Nord et le Sud, nouvelle forme d’aide internationale, toujours du type « usine à gaz ». Comment ne pas s’inquiéter de cette volonté d’extension des bureaucraties internationales de l’aide et de la planification, qui sont génératrices de corruption et d’irresponsabilité ?
- La convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique prévoyait d’ailleurs la constitution d’un « gouvernement » (annexe 12 p. 23) dont tout laisse logiquement à penser qu’il aurait été « mondial ». La gouvernance mondiale ne suffirait plus. A la crise économique se rajoute désormais la supposée crise climatique pour justifier du plus d’État et de « super-État ».
- De même, la chasse aux paradis fiscaux a permis à quelques pays – notamment la France, très mauvaise gestionnaire de sa dépense publique - d’imposer leur volonté en matière de pratique fiscale et bancaire à d’autres pays souverains. C’est sans doute une première étape dans un processus de destruction de la concurrence fiscale qualifiée de « dommageable ». Pourtant, cette concurrence fiscale impose en réalité une discipline aux États dépensiers et réduit leur marge de manœuvre. Sans elle disparaît un garde-fou externe à la croissance irrationnelle de la dépense publique de certains pays.
Alors que dans une très large mesure la crise est due à l’interventionnisme politique américain (politique monétaire, politique sociale du « logement abordable » fondée sur la collectivisation du risque, politique de restriction foncière), les hommes politiques ont enfourché leur cheval blanc pour apparaître comme les sauveurs d’un système soit disant « néolibéral » au bord du gouffre. En réalité, ils ont été depuis longtemps les promoteurs d’une certaine économie mixte qui ne peut fonctionner car l’interventionnisme qui la caractérise implique une dilution de la responsabilité, qui est pourtant la boussole d’un système de liberté. Mais il est plus simple de trouver des boucs émissaires bien pratiques tel que « les marchés » ou « la déréglementation » (qui a au contraire permis une stabilisation du système), plutôt que de faire de l’auto-critique. De ce point de vue, aux USA, les cas de Barney Frank au Congrès ou Christopher Dodd au Sénat sont symptomatiques : après avoir fait pression pour une prise de risque toujours plus irrationnelle de la part des géants du crédit hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac (bras armé de leur politique d’accès au logement abordable), ils se sont ensuite défaussés de leurs responsabilités en pointant du doigt les marchés.
Autre mauvais indicateur : comme avec la crise écologique d’ailleurs, la classe politique a adopté la stratégie de la peur pour faire passer ou tenter de faire passer des mesures exceptionnelles, ce qui n’est pas le signe d’une saine démocratie. La crise donne ainsi de belles opportunités à la bureaucratie publique d’enfler, et au vu de la logique bureaucratique et de l’effet cliquet décrit par Higgs, on peut s’attendre à ce que l’exception temporaire demeure permanente. Dans ce contexte, la classe politique semble représenter plus que jamais un risque pour la liberté, et l’on ne peut être que très pessimiste quant aux chances qu’elle revienne à la mission fondamentale qui devrait être la sienne : celle de gardienne du respect de l’état de droit et de la responsabilité.
Ces deux dernières années, le monde a pris un virage inquiétant pour la liberté et le développement. Les réflexions de Higgs, Hayek, et bien d’autres sont plus que jamais nécessaires pour éclairer notre chemin, afin que nous n’empruntions pas par mégarde la route de la servitude lors de la prochaine décennie.