Lunatique de Jenifer : touche moi et tourne la page

Publié le 06 novembre 2007 par Willy


Lunatique de Jenifer : touche moi et tourne la page




Posté par Myosotis le 05.11.07  -  http://musique.fluctuat.net/

Déjà le troisième album pour notre "Jenifer nationale" depuis son premier essai éponyme enregistré à la sortie du château (en 2002) et l'élève Bartoli a compris qu'il serait décisif pour le reste de sa carrière. Après je lambine au soleil en croquant des poivrons, la révolution omega 3 dans mon arrière-boutique et mon bébé c'est cool c'est pas un mongolien, c'est à une révolution de studio et à une tentative subtile de repositionnement entre Vanessa ParaBirkin et Olivia Ruiz qu'on assiste ici, histoire d'assurer la longévité et la légitimité de l'inspiration artistique et de dépasser une nouvelle fois la barre des 500 000 albums. Lunatique est un très beau disque de variété française, presque un modèle du genre à ce stade d'élaboration, mais aussi un disque très courageux qui témoigne d'une tentative réelle de s'extraire du carcan de la hit-variété pour s'offrir pieds, poings (et seins, hum) liés au monde de la pop. Bien sûr, on pourra dire que Lunatique souffre des maux qu'on avait diagnostiqués sur la misérable Divinidylle : petit manque d'identité musicale, textes surécrits et volonté de faire sens trop appuyé, mais Jenifer, à qui on doit déjà quelques standards (dont le phénoménal "Au Soleil") réussit à imposer son style de femme amoureuse et sensuelle avec une étrange facilité. Lunatique est un album qui, dans l'univers des mégaventes, devrait passer pour difficile, exigeant et osé : peu ou pas de tubes, des tempos ralentis et une place énorme faite aux arrangements à la Burt Bacharach (du pauvre), à Sandie Shaw (hé, oui) et à la variétoche anglaise des 70s. Pas la peine d'ailleurs de s'étendre sur les collaborations qui ont renforcé le team Bartoli : un studio londonien, son propre keum, l'incontournable M (le Berléand de la chanson française - pas un album sans qu'il pointe sa guitare), Guillaume Canet et l'ancien producteur de... Bruce Springsteen et Bowie en relecture finale.

L'album démarre sur deux chansons plutôt bizarres mais qui fonctionnent asez bien. "Touche moi" impose une Jenifer sensuelle et mutine sur un son pop vintage. "Touche moi, ici là, avec tes mots. Couche moi sur le papier." La métaphore vaut bien du Gainsbarre et nous rappelle quand la petite joufflue faisait du gringue à Jean-Pascal en agitant ses rondeurs accueillantes. Bon boulot de définition ambigue, à peine gâché par un solo à l'ancienne en fin de morceau, qui s'ouvre sur un single en demie-teinte agrémenté de cuivres reggae. "Pas trop le temps de faire l'amour à l'envers (...) Quand l'amour est là, il n'est jamais acquis. Quand il est parti, il nous laisse des pourquoi, pourquoi." Ca reste très chaud, voire bouillant mais ça redescend assez vite avec un "Comme un hic" pensé comme addictif (un gimmick répétitif au premier abord) mais qui tombe assez vite dans le passe-partout. Jenifer évoque ici après l'amour le deuxième thème fort de cet album : le cours de la vie, son passage, et les mirages qui vous font croire au bonheur. Le thème est sublimé dans "Nos futurs" au titre formidable (No Future, évidemment) et qui distille une belle mélancolie, au point qu'on pourrait carrément craquer et crier à l'imposture quand on nous parle de sexy Britney. La plus belle c'est Jenifer, pour sûr. Malheureusement, l'abus de métaphores vient plomber de verbosité un titre surécrit. Reste quelques beaux moments et surtout l'émerveillement devant la technicité du travail de production. "Comment s'écrit nos futurs ? Tu peux l'écrire comme le temps file... à l'anglaise." La classe. Les mots sont omniprésents ici, presque trop, comme si la composition de l'album avait consisté en un atelier d'écriture tantrique sur un canapé en velours. "Le parfum", en titre 5, est l'un des grands moments de Lunatique : balade orientale qui vire au reggae et évoque les musiques de films de John Barry par la qualité de ses cordes. Jenifer se casse la voix dans un sussurrement orgasmique et développe un contenu narratif des plus sûrs sur les faux semblants amoureux. "Même si tu es un mirage au loin, laisse la force de dissiper." Si elle était un homme, on appelerait ça un slow mouille-culotte. "Attention Douleur Fraîche" maintient le standard qualité au top pour un second sommet. Le piano et la rythmique tissent une atmosphère intéressante tandis que le morceau vire finalement au jazzy. La voix limitée de Jenifer assure par son phrasé étonnamment clair et précis et revient sur cette question des mots :"même les histoires d'amour s'écrivent en râture; ça nous laisse toujours des mots" Bien dit. La suite passe un peu plus vite : un titre plus rock à la Niagara (vous vous souvenez de Niagara), "Si c'est une île" (bof, bof), un troublant et très bon "Quitte à se Quitter" qui sonne comme du Bacharach coquin ("On ne sait rien d'aimer, mais quitte à se quitter, autant le faire au lit" (pfff)), le pas bon du tout "Portrait d'une femme heureuse" (on s'en serait douté rien que sur le titre) et quelques titres décevants : l'éponyme "Lunatique" et ses paroles dignes du berger des fruits "mon fruit cache un pépin, je suis mi-figue, mi-raisin", ou le gnan-gnan "Le bonheur me va au teint".

Avec 7 titres qui émergent sur 12 dont 3 ou 4 morceaux très très solides, Lunatique n'est pas loin d'être un chef d'oeuvre mainstream et d'imposer Jenifer comme le seul vrai espoir de la pop française. Vanessa est dans les cordes (faudrait pas qu'elle s'y prenne le cou), et Olivia Ruiz n'a plus qu'à aller brailler ses chansons de la France de Pompidou sous les lampions de Ménilmontant. Plus femme qu'Alizée, plus sensuelle que Birkin ou Noguerra, plus jolie que Nolween Leroy et moins plouc qu'Eve Angeli, Jenifer est la nouvelle bombina des coeurs, la seule qui peut s'appuyer sur un staff de cette qualité et emballer les pervers pépères du rock indie sur un malentendu par la grâce de ses compositions. En assumant encore plus de simplicité dans son écriture (STOP METAPHORES et tout sera pour le mieux), Jenifer peut espérer passer sa carrière au soleil et remuer son corps pendant plusieurs décennies.


Jenifer - Clip "Tourner ma page"
envoyé par jenifer

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