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« Gestion de la Grippe A, du fiasco à la faute lourde » » Le principe de précaution poussé à l’extrême stupidité » « La schizophrénie française »
Les critiques se multiplient contre le gouvernement français dans la gestion de la campagne de vacccination contre la grippe A.
Les accusateurs du : « Il n’y avait qu’à…il fallait que…. Je vous l’avais bien dit ! » sont, en fait, dans le même camp que les accusés du : « nous avons eu raison, nous n’avons rien à nous reprocher ! »
Chaque camp est sur la même démarche polémique, celle de l’opposition et du bouc émissaire. Comment en est-on arrivé là ? ou plus exactement pourquoi ne parvient-on pas à sortir de ce terrain dialectique stérile et délétère ?
Pour comprendre, il faut d’abord analyser l’évolution du contexte et des modes de perception.
Le 20è siècle s’est développé sur un horizon d’espoir, à travers l’idée de progrès, soutenu par la croyance en la science. Le 21è siècle s’est ouvert sur la peur, à travers l’idée d’une société de tous les risques, entretenue par la solitude des individus et le culte du moi, briseur de lien social.
Dans ce nouvel environnement où tout est perçu, et largement entretenu, comme structurellement anxiogène, une masse d’information, chaque jour plus phénoménale, est devenue accessible à chacun. Et chacun peut, aussi, devenir lui-même une source d’information et une caisse de résonnance susceptible de toucher le plus grand nombre. Tout cela dans une immédiateté technologique qui tend à formater le temps de perception des hommes.
La première des conséquences, c’est la perception que toutes les informations se valent. Nous ne consommons plus des informations au sens de faits, dûment vérifiés et analysés, nous consommons des points de vues. L’information est devenue un simple échange de points de vues.« La culture scientifique nous demande de vivre à l’effort de la pensée » a écrit Bachelard; Mais aujourd’hui on distille l’idée que la science est affaire d’opinion. Certains scientifiques ont qualifié, dès le début, la grippe A de « grippette » alors que d’autres ont sonné l’alerte rouge.Je ne vais plus me fatiguer à essayer de comprendre. Ma position et ma décision seront fondées sur ce que je ressens. D’où, l’enjeu émotionnel dans la communication.
La deuxième des conséquences, c’est la perte de légitimité des émetteurs. On ne sait plus qui parle et au nom de quoi. Les pouvoirs publics négligent la mise en scène symbolique de l’autorité et restent trop souvent encore écartelés entre logique du pouvoir et logique de la concession à court terme face aux pulsions de l’opinion publique. En crise les parties prenantes sont de moins en moins sensibles au pouvoir qui contraint. Elles attendent une autorité qu’elles reconnaissent comme telle.
Pour retouver un territoire de légitimité, quand on a la lourde responsabilité de décider en situation sensible, il faut désormais expliquer, au préalable, ce qui fonde ma décision. « Nous achetons 94 millions de vaccins parce que nous considérons que nous devons être prêts si la pandémie se révèle très grave Mais nous vous éclairons sur les risques liés à cette décision : nous prenons les risques de financer un excès de précaution. Nous assumons la responsabilité de ce risque.
Pour être crédible aujourd’hui aux regard du public il faut aussi savoir dire que l’on ne sait pas et expliquer que, quand on décide, dans l’incertitude tout choix est porteur d’un risque. C’est un vrai défi à l’heure ou nos sociétés réclament implicitement des responsables, les décisions à risque zéro.