Alors que de nombreux observateurs le considèrent comme un acteur plutôt en retrait de la vie politique du pays, l’avenir de notre actuel Premier ministre suscite de nombreuses spéculations : futur ex chef du gouvernement, futur candidat à la Mairie de Paris, futur candidat ou futur ex candidat à la présidence de l’Union Européenne, futur candidat à l’élection présidentielle… Personne ne sait vraiment de quoi ses lendemains seront faits.
A quelques mois d’élections régionales qui pourraient marquer un tournant dans sa carrière, Délits d’Opinion revient sur les dernières années d’un homme qui a, petit à petit et discrètement, su devenir un des hommes forts de la vie politique française.
Une arrivée sur le devant de la scène à pas de loups
Elu plus jeune député de l’Assemblée nationale en 1981 à 27 ans, il s’engage rapidement dans divers clubs parlementaires regroupant de jeunes députés ambitieux (le Cercle au début des années 80, les Rénovateurs quelques années plus tard). Lorsque la droite fait son retour aux affaires en 1993, il se voit confier des responsabilités ministérielles dans les gouvernements Balladur (1993-1995) et Juppé (1995-1997), et après la déroute des élections législatives de 1997, il prend part à la reconstruction de la droite. Pourtant c’est uniquement en 2002 que la France découvre véritablement le nom de François Fillon. Ayant gravi discrètement les nombreux échelons qui mènent au pouvoir, il fait même partie des premiers ministrables, tout comme Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy suite à la victoire de Jacques Chirac à l’élection présidentielle, à laquelle il a participé. Il obtient finalement le portefeuille des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité et le titre informel de numéro 3 du gouvernement.
C’est également à ce moment-là que les instituts de sondage commencent à s’intéresser à lui : il est testé pour la première fois en juillet 2002 par TNS Sofres, dans le cadre de son baromètre sur l’avenir des hommes politiques. Mais malgré son arrivée sur le devant de la scène, il n’arrive pas vraiment à émerger dans l’opinion comme un homme d’avenir de la droite, et sa cote reste largement en retrait par rapport à celles de Nicolas Sarkozy, de Jean-Pierre Raffarin et de François Bayrou. Il est également en retard par rapport à des personnalités politiques de second plan comme Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy ou Luc Ferry.
Une émergence progressive malgré les difficultés
Comme pour d’autres avant lui, l’arrivée de François Fillon à un poste clé du gouvernement lui permet d’être petit à petit identifié par l’opinion publique. Comme le montre l’analyse de sa notoriété et de sa popularité enregistrées dans le baromètre Ifop/Paris Match et de sa cote d’avenir TNS Sofres/Figaro Magazine, sa place de ministre des affaires sociales lui offre un nom et une certaine visibilité, mais sa popularité, autour de 30% ne décolle pas.
Malgré son échec aux élections régionales de 2004 en région Pays de la Loire, il est nommé en mai 2004 à la tête du Ministère de l’Education Nationale. Cette nomination donne un nouvel élan à son évolution. A un poste que les Français suivent beaucoup, il est plus en vue, et sa notoriété dans la population progresse de 54% en mars 2004 à 67% en novembre 2004. Pour certains, il devient même la seule alternative possible contre Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007…
Le Ministre se lance ensuite dans une difficile réforme de l’enseignement. Annoncé en novembre 2004, son projet est ambitieux mais se heurte à un soutien trop mesuré de l’Elysée et aux manifestations des enseignants et des lycéens. Mais le mouvement s’essouffle en avril 2005 et François Fillon enregistre une victoire qui lui permet enfin de se faire définitivement un nom, mais qui en revanche ne le rendra pas plus populaire.
Et puis arrive mai 2005. Suite au rejet du projet de Constitution Européenne par les Français, Jean-Pierre Raffarin est remercié par le Président Chirac, et remplacé par Dominique de Villepin. Ecarté du nouveau gouvernement, François Fillon digère mal cette éviction et s’auto-déclare directeur de campagne de Nicolas Sarkozy avant l’heure.
La longue traversée du désert, loin des responsabilités gouvernementales, est cruelle pour celui qui juge avoir été l’homme des réformes du quinquennat Chirac. S’il garde chez les Français une popularité stable, il est de moins en moins identifié comme un espoir pour l’avenir de la France, sa cote d’avenir plonge et en août 2006 et à peine plus d’un français sur dix lui souhaite de jouer un rôle dans les mois qui suivent. Mais dès le début de la longue course pour l’élection présidentielle de 2007, il se positionne rapidement comme le favori pour succéder à Dominique de Villepin à Matignon en cas de victoire de la droite, et redevient petit à petit l’un des hommes incontournables de la droite.
Un Premier ministre controversé par les médias, apprécié par les Français
Au lendemain de sa nomination à Matignon en mai 2007, le choix de François Fillon à la tête du gouvernement est plébiscité par les Français : 67% des personnes interrogées par BVA affirment approuver ce choix : c’est la revanche de l’homme blessé en 2005. Les premiers mois sont très encourageants, François Fillon rejoint Edouard Balladur, Lionel Jospin, Alain Juppé et Jacques Chaban-Delmas au panthéon des premiers ministres les plus populaires de la Vème République, avec 63% d’opinions favorables en août 2007, soit le 2ème score le plus élevé par le baromètre Ifop/Journal du Dimanche depuis 1965. Mieux, sa popularité semble tenir les trois premiers mois, alors qu’elle s’était rapidement effondrée pour ses prédécesseurs… Mais les critiques commencent rapidement à pleuvoir : dans l’ombre de Nicolas Sarkozy dont la popularité est rapidement en chute libre, on l’accuse d’être un homme de paille, isolé à Matignon quand les vrais décideurs du gouvernement sont invités à l’Elysée.
Son action à Matignon recueille pourtant l’approbation des Français. Dans le baromètre Ifop/ Paris Match, créé en 2003, il atteint des niveaux jamais enregistré (66% en mars 2008). Dans le baromètre de satisfaction Ifop/Journal du Dimanche, il continue à maintenir un niveau de satisfaction élevé (au-dessus de 55%), dont bien des Premiers ministres auraient rêvé quand ils étaient en poste. Même en mars 2008 alors que la droite connait une cuisante défaite aux élections municipales…
Les médias continuent à s’acharner sur lui, il ne bouge pas dans la tempête. Trop discret, trop éloigné de la décision ? Si c’est le jugement médiatique, ce n’est pas celui des Français. A l’inverse de Dominique de Villepin qui s’était attiré les foudres de la France entière en essayant de tenir le cap dans le débat sur le CPE, François Fillon est considéré comme les Français comme un homme de dialogue : plus de la moitié des Français l’affirment chaque mois dans le baromètre Ifop/Paris Match. On lui reconnait également ses qualités de chef d’équipe, les personnes interrogées affirmant à près de 60% qu’il dirige bien l’action du gouvernement. Etonnant à en lire les commentaires de la presse à son égard, mais indéniable à la lecture des résultats des sondages.
Fidèle à lui-même et à sa méthode de travail discrète, le Premier ministre continue à s’imposer petit à petit, doucement. A trois mois des élections régionales, beaucoup annoncent son départ, d’autres son maintien. Les rumeurs vont bon train, les calculs sont nombreux et complexes… Et puis, comme un pavé dans la mare, CSA sort un sondage au début du mois de décembre 2009 : 18% des Français souhaitent que le Premier ministre nommé après les élections régionales soit François Fillon. Derrière, seuls Christine Lagarde (14%) et Jean-Louis Borloo (13%) suivent le rythme et semblent en mesure de le concurrencer. Et encore, c’est lui qui recueille les suffrages des militants Modem (27%) et UMP (33%). Il n’est peut être pas encore sur le départ, ce discret Premier ministre…