Pour ce mardi de rentrée pour le gouvernement, Nicolas Sarkozy devait remotiver ses troupes. Classé "le 3ème homme le plus mal habillé du monde" par le magazine GQ, il s'est affiché à un déjeuner avec les femmes du gouvernement. Un peu plus tôt, le cérémonial habituel montrait les membres du gouvernement braver le froid pour rejoindre l'Elysée. Mais certains ministres devaient répondre à l'impatience générale. Bachelot trouva comment se débarrasser de son surplus de vaccins, Hortefeux fait face à une mécontentement réel des policiers, et Lagarde tente d'expliquer la future taxe carbone. Bonne année !
Ministres cérémonieux
Quel sens à donner au cérémonial républicain de début d'année ? Le gouvernement se retrouve place Beauvau, au ministère de l'intérieur, pour rejoindre à pied l'Elysée voisin. Sur place, les caméras et journalistes étaient conviés pour filmer les membres du gouvernement au petit déjeuner présidentiel. Le gouvernement souhaite "une bonne année, une bonne santé et beaucoup d'énergie" à son président. Sourires de rigueur, conversations anodines avant que la presse ne quitte les lieux. Rama Yade est arrivé en retard. A midi, Nicolas Sarkozy s'est affiché au milieu de ses femmes du gouvernement, pour trois quarts d'heure d'apéritif.
Certains, comme Jean-Michel Apathie sur CANAL+ dès le soir même, ont redécouvert l'existence de quelques secrétaires d'Etat: Nathalie Kociusko-Morizet, à l'Economie Numétique, n'a pas grand chose à faire à part twitter de temps à autres. Valérie Letard est secrétaire d'Etat à ... l'Ecologie. le saviez vous ? Elle est passée à travers le sommet de Copenhague et la taxe carbone sans que personne ne s'en aperçoive. Valérie Pécresse, surprise en train de pioncer lors d'une session du Conseil Régional, ne devrait plus être ministre dans quelques mois. Fadela Amara est plus visible, mais toujours franchement inutile. Martin Hirsch se demande s'il doit encore rester au gouvernement, à en croire la presse... Les ministres d'ouverture n'ont plus aucune utilité politique. Eric Besson est devenu l'icône de la droite recomplexée. Jean-Marie Bockel est placardisé par Michèle Alliot-Marie. Bernard Kouchner se sent de plus en plus mal à l'aise. Il y a bientôt trois ans, nous dénoncions "l'ouverture" comme un débauchage de personnalités marginales issues de la gauche pour conduire ou, au mieux, cautionner une politique de droite. 32 mois plus tard, le constat n'est que trop vrai. Le débat sur l'identité nationale et le rapprochement des chasseurs et du MPF de Philippe de Villiers ont fait des dégâts.
Ces belles images masquent mal la réalité des priorités sarkozyennes. Lundi, Sarkozy a présenté ses voeux aux responsables de l'UMP. Sarkozy chef de clan ? Bien sûr. Lundi, il a loué quelques ministres, et pas d'autres. Ses chouchous du moment sont Eric Woerth, Luc Chatel, Chantal Jouanno, Hervé Novelli, Benoist Apparu, et Bruno Lemaire.
Vaccins excédentaires
Curieuse affaire que celle des annulations de commandes de vaccins. Lundi 4 janvier, la ministre de la santé a surpris tout le monde en annonçant qu’elle avait « résilié » la commande de 50 millions de vaccins. En fait, le gouvernement le sait depuis plusieurs semaines, mais ne voulait pas affaiblir le processus de vaccinations.
Ces vaccins ont bien été commandés. La ministre cherche maintenant à négocier avec les laboratoires pharmaceutiques l’annulation partielle de la commande. Luc Chatel, ministre de l’Education Nationale et porte-parole du gouvernement, a expliqué mardi matin sur France Info que Sanofi-Pasteur avait accepté d’annuler 9 millions de doses, sans indemnité. L’argument du gouvernement qui a porté, semble-t-il, est qu’un des paramètres essentiels de la commande a changé : l’OMS, en novembre dernier, a confirmé qu’une seule dose de vaccin était suffisante.
La situation est cocasse : d’après les médecins, il est rare qu’une grippe ait plus de deux pics pandémiques. Or la grippe A les a déjà eu, en septembre, puis en décembre. Le gouvernement espère toujours que davantage de Français ira se faire vacciner. Moins de 10% de la population visée a accepté de se faire piquer. Malgré cette réticence collective, la pandémie a moins frappé que prévu. Alors, que faire ?
Fiscalité décarbonée
Mardi matin, lors de son Conseil des Ministres de rentrée, Nicolas Sarkozy a annoncé que la taxe carbone nouvelle mouture entrerait en vigueur le 1er juillet prochain. Le président français a décidé de prendre son temps, et de botter en touche… après les élections régionales. Le Parlement ne sera saisi du nouveau projet qu’après le scrutin.
Le gouvernement n’a pas tiré toutes les leçons de l’échec constitutionnel de sa taxe carbone. Mardi 5 janvier, la ministre de l’Economie a commencé à dévoiler les contours de sa nouvelle version : ceux qui espéraient que l’injustice sociale de la taxe serait corrigée dans le futur projet en seront pour leurs frais. Christine Lagarde a été très claire sur le sujet dans un entretien aux Echos mardi 5 janvier : « Nous n'avons donc pas l'intention de modifier le volet ménages de la contribution carbone. ». Le gouvernement n’envisage que de modifier l’exonération de taxe carbone visant les 1.018 installations industrielles émettant le plus de CO2 en France. Il arguait que ces entreprises sont déjà soumises à un autre dispositif, le système des quotas de CO2 qui les conduits à se racheter une bonne conduite en négociant des « droits à polluer » sur le marché européen. Rien n'est prévu, donc, pour corriger des effets sociaux pervers que le Conseil Constitutionnel n'a d'ailleurs pas retoqué: les ménages seront globalement compensés, mais sans tenir compte de leur réelle consommation carbone individuelle.
Police mécontente
Nicolas Sarkozy n’aime pas qu’on le critique sur la faiblesse de sa politique sécuritaire. Depuis 2002, il a tout fait, en surface, pour ne pas prêter le flanc à des accusations de laxisme. Pourtant, la police est « braquée », comme le titre le quotidien Libération. Des syndicats de police dénoncent la « religion du chiffre », et Libération publiait, dans son édition du 5 janvier, quelques extraits de notes écrites de chef de service à leurs collaborateurs définissant des objectifs précis d’interpellation et d’amendes. Des exemples édifiants.
« A Lyon, un chef de service a demandé par écrit le 2 décembre à ses policiers de mettre le paquet sur les arrestations après une baisse en novembre (lire page 4). A Châlons-en-Champagne, le 15 janvier 2009, le «chef de l’unité de sécurité de proximité» détaillait les «objectifs chiffrés en matière de voie publique pour l’année 2009» sur une note de service de quatre pages que Libération s’est procurée. Le capitaine de police y fixe des quotas à atteindre. «Chaque brigade de roulement de jour devra à minima procéder à 65 interpellations hors IPM (ivresse publique et manifeste, ndlr) et délits routiers, à 10 interpellations de personnes faisant l’objet de fiches de recherches, établir 230 TA (timbres-amende, ndlr) pour des infractions au code de la route hors stationnement et 75 TA pour comportement dangereux»
Source : Libération
Le coup de chauffe au sein de la police se déroule à l’approche des élections professionnelles du 25 au 28 janvier prochains. Yannick Danio, délégué national du syndicat Union SGP-Unité Police, majoritaire chez les gardiens de la paix, dénonce : « On ne parle plus qu’en chiffres. On leur fait faire n’importe quoi. On leur demande d’arrêter 5 consommateurs de joints parce que ça fait 5 délits constatés mais aussi 5 faits élucidés. C’est plus facile que d’interpeller un revendeur de drogue qui va compter pour une seule affaire. » La question de la mesure de l’action et de l’efficacité de la police reste posée, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy, en charge de la sécurité de nos concitoyens depuis … mai 2002 quasiment sans interruption. Yannick Danio dénonce aussi la diminution des effectifs de police (2000 postes en 2010), alors que leur activité a fortement cru : 18 millions d’heures supplémentaires en attente de règlement, près de 600 000 gardes à vue par an (contre 350 000 en 2002) et … une hausse quasiment sans discontinuité des violences aux personnes : 443 671 actes recensés en 2008, soit 14% de plus qu’en 2003.
Mardi 5 janvier, l'Elysée a donc confirmé que Nicolas Sarkozy serait au forum des "Puissants du monde", à Davos. Il inaugurera même la manifestation. A Davos, Nicolas Sarkozy se permettra évidemment d'appeler à "la refonte du capitalisme mondial". Sarkozy a trouvé son leit-motiv: "la régulation des marchés financiers" et "le monde après la crise". Ses amis du Fouquet's, et du Bristol sourient. Il le fait bien.
Evidemment.