Ce roman a traversé l’année avec moi. J’avais un peu le trac quand je l’ai commencé, j’en avais pour 338 pages gros format. Un peu surprise du style au début : d’une grande fluidité, tout simple, direct, avec du dialogue, j’ose dire en abondance (il me semble qu’il y a moins de dialogues dans les romans ... que je lis en tout cas), cette absence de prétention à la « regardez-j’écris-bien » est finalement venu me chercher.
Grosso modo, c’est un compositeur méconnu courant après l’inspiration pour LA création du siècle mais qui, comme tout le monde, doit gagner sa vie. Il entre comme gardien de nuit dans un asile, emploi idéal pour composer. Pensez-vous que nous étions, pendant quelques centaines de pages, pour le regarder composer, alerte et inspiré ? Évidemment que non. C’est Tristan qui va venir le chercher sur sa planète de grand compositeur assez nombriliste. Plusieurs personnages vont venir se greffer : Le grand manitou de l’institut psychiatrique ; grandiloquent et borné. La mécène frustrée et laide de jalousie, Rachel, la juvénile Agathe qui se révèlera plus mâture qu’à prime abord. Je n’oublie pas sa Cour masculine car, semblerait-il qu’elle soit irrésistible cette demoiselle, excepté pour notre virtuose, Pascal.
L’histoire file, on ne s’accroche pas à de longues descriptions qui sont plutôt habilement intégrées à l’action. J’ai vraiment beaucoup aimé tout ce qui se passe à l’Institut, je me suis grandement attachée à Tristan, ou plutôt à leur relation très spéciale. Imaginez, Tristan est enfermé et bourré de médicaments depuis l’âge de 16 ans, et après 7 ans de ce régime, une flamme de vie vacille encore en lui. Il s’accroche donc désespérément à ce gardien de nuit qui n’a pourtant pas le droit de lui parler, ce qui crée des tensions palpitantes. Tristan vit à travers les yeux de Pascal qui lui raconte son quotidien qui devient des aventures trépidantes pour un incarcéré. Même en tant que lectrice libre, je me suis aussi intéressée à ces histoires, c’est pour dire qu’elles sont bien menées. Je me suis fait prendre à ce jeu au point que mon attention se relâchait à l’extérieur des murs.
Je ne suis pas juste là, la relation de Pascal avec Agathe m’a aussi intéressée, même si un peu plus banale. La relation avec sa mécène m’a fortement intriguée au départ et puis, ce personnage m’est apparu tellement tiré par les cheveux et la réaction de Pascal à cette vile femme aussi. J’ai un peu décrochée. Mon seul petit problème, si c’en est un, est que le personnage principal, le compositeur m’intéressait en autant qu’il soit en relation. Sa ferveur vis-à-vis la musique, son ambition démesurée, m’est passé comme de l’eau sur le dos d’une cane. Je ne l’ai pas pris à cœur comme l’auteur l’aurait désiré, je crois. Mais qu’importe puisque Pascal a passé 338 pages à être en relation !
Cependant, j’ai un « mais » : la fin. À partir d’un lancement littéraire qui sent le dénouement à plein nez, une escalade d’actions débridées, pour ne pas dire complètement folles m’ont perdue. Pourtant, encore là, j’imagine que j’aurais dû trembler de peur mais trop, c’est trop. J’ai trouvé la scène maladroite de A à Z assez pour sortir de l’histoire et regarder l’auteur écrire. Ce qui n’est pas bon signe. Et en passant, quant à parler de fin, on a appelé épilogue un chapitre mais le dernier (long) paragraphe serait un réel épilogue mais la balance serait plutôt, à mon sens, une suite à la fin de la fin. C’est un détail.
Donc en gros, j’ai apprécié cette lecture et je garde un souvenir indélébile de la relation Pascal-Tristan et de cet asile assez barbare, en ayant apprécié la critique sociale – dans l’humour – sur le bourrage des cerveaux par les médicaments et la prétention outrancière des soignants en chef.
Sonate en fou mineur, Éloi Paré - Éditeur Guy Saint-Jean, 338 p.