J’ai trouvé cet article, sorti du Courrier International, très intéressant et qui résume très bien ce que je pense du Péronisme:
“Quelle logique le mouvement péroniste suit-il depuis soixante ans ? On peut évoquer une vague soif de justice sociale, qui apparaît notamment dans la dénomination du Parti justicialiste (PJ), mais cet axe ne semble pas suffire à structurer un système politique cohérent. Le style autoritaire, l’attachement dogmatique à la “démocratie” ou le fait d’attiser les ardeurs de la rue ne suffisent pas davantage à le caractériser. La trajectoire de Juan Perón lui-même pose déjà un problème : entre le Perón de 1943 (année où celui-ci fit son entrée dans la vie publique), le Perón de 1946 ou de 1951 (années où il fut élu président) et le Perón de 1973 (année où il rentra d’exil pour un troisième mandat), les liens idéologiques se sont dilués et les contradictions sont constantes. Plus concrètement encore, que peut-on trouver de commun entre le dirigeant des années 1940 – qui tantôt s’allie avec l’état-major de l’armée, tantôt se proclame “premier ouvrier” de la nation – et le vieux leader qui assiste, lors de son retour d’exil, à un affrontement sanglant entre ses partisans en plein aéroport d’Ezeiza ? Et quel lien peut-on trouver entre ces Perón successifs et le troisième et dernier, celui qui harangue ses partisans en 1973 en leur conseillant d’aller “de la maison au travail et du travail à la maison” tandis que le pays s’enflamme ?
Et qu’est-ce qui relie historiquement, dans la chaîne des incarnations péronistes, les trois versions du général au “néolibéral” Carlos Menem [président de 1989 à 1999], celui-ci au “classique” Eduardo Duhalde [président de janvier 2002 à mai 2003], et ce dernier avec le “moderne” Néstor Kirchner ? Ils ont tous occupé la présidence et ils sont tous frères ennemis. Le péronisme n’est jamais parvenu à proposer aux Argentins un projet idéologique cohérent et ordonné, prévisible dans ses principes. Comme c’est généralement le cas avec les gouvernements qui plongent leurs racines dans le populisme, la seule chose à avoir survécu, au fil du temps, dans l’horizon péroniste est le style de gouvernement caudilliste, l’instrumentalisation des méthodes démocratiques, la divinisation de simples créatures terrestres. Le président K estime qu’il incarne le “postpéronisme”. Toutefois, par son cumul des pouvoirs, sa conduite endogamique et clientéliste des affaires publiques, par les complicités politiques recherchées sans la moindre pudeur idéologique, et par le bruit et la fureur que provoquent à part égale ses alliés et ses opposants, K a le style de gouvernement personnel qui, parmi ceux qui se sont pratiqués, se rapproche le plus des sources orthodoxes du péronisme. Et, si les pronostics des sondages se confirment, il viendra un moment où M. K passera les pouvoirs à Mme K. On assistera alors à la cohabitation la plus singulière de l’histoire (argentine). Un président en exercice aura porté au pouvoir, avec son influence et ses voix, sa propre épouse. Lequel des deux K sera aux commandes ? De telles choses ne peuvent se passer que dans la réalité (argentine).
Danubio Torres Fierro “