PRÉAMBULE : A tous ceux qui voudraient me casser la gueule après avoir lu ce qui va suivre, je n'aurais qu'une seule chose à dire : je porte des lunettes ! Donc pas touche. Quant à ceux qui seraient juste tentés par les commentaires haineux, faites donc... je censurerais. Et oui, je suis chez moi et je dis ce que je veux. De toute façon, j'ai raison ! Ma véhémence est juste proportionnelle au déferlement médiatique, critique et marketing du film en question.
Malgré des appréhensions très fortes nées en cet été 2009 (première bande-annonce + 15 minutes en 3D), j'étais bien décidé à me précipiter voir AVATAR et cela pour une raison qui m'avait déjà empêché de voir TITANIC : le consensus. Par peur d'être pris dans un océan d'avis tous aussi extatiques les uns que les autres, j'étais paré à assister à la projection de presse du film. En le voyant avant tout le monde, impossible que je flippe. Raté. On a pas voulu de moi - malgré mon carnet d'adresse bien rempli de VIP sur Pandora. Déjà complet. Fallait s'y attendre. La seule solution : y aller le mardi soir aux avant-premières ou le soir de la sortie. Deuxième fois raté. Il neige. Il fait froid et j'ai une flemmagite aigüe.
Désormais, ma relation à AVATAR est dans les mains du destin. Soit tout le monde déteste et je me déplacerais dans les jours suivant la sortie, histoire de constater rapidement l'étendue du desastre moi-même (vous savez, le goût du nanar!), soit, comme je le prévois, tout le monde aime, adore et surkiffe et je risque tout simplement de faire l'impasse. Juste parce que le simple fait que TOUT LE MONDE trouve ça génial m'angoisse et me fait flipper.
A la faveur de quelques jours de congés, j'ai donc franchi le pas le 31 décembre dernier, à la séance de 13h30 au Max Linder Panorama (soi-disant la meilleure salle du genre... Mouais...). Je juge donc sur pièces, bien décidé à aller au-delà de mes appréhensions et à passer une bonne après-midi devant un grand spectacle hollywoodien comme on peut les aimer en cette période de fête.
Encore raté.
Si les premières images du film ne m'avaient pas convaincu, c'était pour une seule et même raison : le design des Na'Vis. Avec leur peau bleue, leurs dread-locks, leur tête haut-perchée et leur silhouette longiligne et peu élégante, ils avaient tout des créatures anthropomorphiques sans style qui inondent régulièrement les nanars hollywoodiens. C'est simple. Voir Sigourney Weaver toute bleue en brassière et dread-locks revient pour moi à peu près au même niveau de ridicule que John Travolta en plate-forme shoes (et dreadlocks !) dans BATTLEFIELD EARTH. J'ai un jour fait le rêve fou que cette sensation s'atténuerait sur les 2h42 que durent le film mais c'était évidemment un voeux pieux.
D'ailleurs, parlons-en de la durée du film...
Lorsque je mets les pieds dans une salle de cinéma pour m'avaler plus de 2h30 de celluloïd (ou dans le cas présent de suites de 1 et de 0), je m'attends à un minimum de subtilités psychologiques, à des personnages un tant soit peu humains et complexes. Y compris quand il s'agit de blockbusters hollywoodiens. Le manichéisme gentil/méchant, ça me va à la condition que ça ne dure pas plus de 1h40. C'est donc un comble qu'en 162 minutes et quelques millions de milliards de 1 et de 0, James Cameron ne soit pas capable de développer ne serait-ce qu'un petit peu la psychologie de ses personnages, de premier comme de seconds plans. Au contraire, la seule chose auquel on a droit, c'est "ouh, toi, t'es vilain, tu ne penses qu'à l'argent et à tout détruire" contre "ouh, toi, t'es gentil, tu voles parmi les papillons qui t'aiment".
Et là, tout d'un coup, je me sens comme obligé de sortir le paragraphe sobrement intitulé "c'était mieux avant". En effet, pour comparer ce qui est vraiment comparable, la double trilogie STAR WARS a des défauts mais au moins elle aborde des sentiments complexes, des thématiques profondes qui prennent leur source dans toutes sortes de mythologies, légendes et philosophies, offrant au spectateur de nombreux degrés de lectures. Evidemment, derrière AVATAR, il y a une parabole écologique. Hallelujah. James Cameron serait un génie parce qu'il dénonce le réchauffement climatique dans un blockbuster. Roland Emmerich avec LE JOUR D'APRES, c'est qui alors ? Dieu ? Et Bill Kroyer (!) avec LES AVENTURES DE ZAK ET CRYSTA DANS LA FORET DE FERNGULLY en 1992 ? Le coup des mecs proches de la nature menacés par l'appât du gain et/ou le modernisme est aussi vieux qu'Hollywood !
Vous vous rendez compte de ce que vous me faites faire... A cause d'AVATAR et tout le ramdam que ce maudit film provoque, je suis obligé de ressortir FERNGULLY du placard ! Mais ce ne sera pas le seul qui aura le droit aux VRAIS honneurs. Je pourrais citer également DANSE AVEC LES LOUPS de Kevin Costner. Je pourrais citer LE NOUVEAU MONDE de Terrence Malick. Je pourrais même citer LAWRENCE D'ARABIE de David Lean. Et comme je suis lancé, je pourrais même citer LE DERNIER SAMOURAÏ d'Edward Zwick. Autant de films qui suivent peu ou prou le même schéma narratif qu'AVATAR, à savoir l'étranger débarquant au départ dans une culture pour la détruire, apprenant ensuite à la connaître et finissant enfin par l'embrasser totalement. Et qu'on ne me sorte pas le coup du besoin d'universalité imposé par des nécessités économiques. Depuis quand faut-il ressortir des histoires éculées pour plaire au plus grand nombre possible ?
De nombreux films qui ont également en commun avec le film de James Cameron de faire de la nature et des décors spectaculaires un argument de vente. Voyez par exemple le cinéma naturaliste de Terrence Malick et sa version enivrante de la légende de Pocahontas, dans lequel la nature "terrestre" y apparaît dans toute sa splendeur et dans toute sa force, faisant presque office de personnage à part entière. De la même façon, AVATAR a aussi fait de ses décors un argument marketing, la beauté luxuriante de Pandora étant d'ailleurs une des raisons "manifeste" du succès public.
Et c'est donc là que je ressors mon paragraphe "c'était mieux avant". Je réagis peut-être ici comme un vieux réac' mais quand je vois AVATAR, je ne vois que ça, des images de plastique. Regarder les paysages foisonnants de Pandora revient pour moi à regarder une des ses bimbos aux gros seins plein de silicone : c'est opulent et plantureux, voire impressionnant, mais ce n'est juste pas bandant ! Quand Peter Jackson filme la Terre du Milieu qui, pourtant, n'existe pas plus que Pandora, il part en Nouvelle-Zélande, filme la nature, la vraie, les grandes étendues verdoyantes, les montagnes escarpés - quitte à faire appel aux effets spéciaux numériques quand cela est nécessaire. Mais au moins, en regardant la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX, on se sent vivant, on se sent exister dans l'immensité de la nature terrestre. Devant AVATAR, on se sent branché à une machine - sauf qu'on n'est pas Néo et que personne ne nous débranche de la matrice. C'est certes assez caricatural comme métaphore mais c'est un sale goût que j'ai dans la bouche quand je repense à toutes ces images artificielles.
On a voulu nous faire croire qu'AVATAR était une révolution. Mais est-ce qu'on doit laisser la révolution du cinéma aux seuls ingénieurs ? Je n'ai absolument rien contre le progrès. Bien au contraire même. Mais le cinéma - même hollywoodien et même avec 500 millions de dollars de budget - est un art. Le cinéma, c'est des histoires, que des histoires. Les avancés technologiques ne peuvent pas se faire au détriment de ce qui fait la nature même de l'Art. Lorsque Victor Fleming filme AUTANT EN EMPORTE LE VENT ou LE MAGICIEN D'OZ en 1939 dans un glorieux Technicolor, le procédé n'est absolument pas une fin en soi. La couleur ne sert qu'à magnifier des histoires inoubliables et encore jamais racontées sur celluloïd. De même, de grands auteurs comme Billy Wilder ont continué à utiliser le noir et blanc, de CERTAINS L'AIMENT CHAUD à LA GARÇONNIÈRE, longtemps après l'apparition de la couleur tout simplement parce qu'ils n'en avaient pas besoin pour raconter leurs histoires. Et pour prendre un exemple bien plus récent, il n'y a qu'à voir les studios Pixar. Quand, en 1995, ils créent TOY STORY, le premier long-métrage d'animation entièrement conçu sur ordinateur, ils ne perdent jamais de vu que l'histoire est primordiale, que les gens se déplaçant au cinéma sont avant tout des êtres humains qui ont besoin de rêver, de rire, d'être surpris (j'insiste sur celui-là) et d'être ému - pas d'être éberlué par une quelconque "révolution technique". C'est l'unique raison pour laquelle la maison de John Lasseter surpasse encore et toujours ses concurrents. Les images ont beau être en plastique, les personnages pas toujours humains, il n'y a qu'une seule chose qui compte : l'humanité de leur vision.
Et de l'humanité, il n'y en a pas beaucoup dans AVATAR... Juste des sentiments cheap, des images en plastique et une histoire prévisible sans imagination. Bref, il n'y a pas de cinéma dans AVATAR, juste quelques centaines de millions de dollars investis en Recherche & Développement puis en Marketing.
Mais en fait, tout le monde s'en fout...
Vous prendrez la pilule bleue ou la pilule rouge ?