Magazine Politique
François Fillon craindrait surtout le printemps social bien davantage que la secousse des régionales. Des réformes sociales majeures sont incontournables.
Depuis plus de deux siècles, la même Constitution régit le fonctionnement de la Nation la plus importante au monde : les Etats-Unis d'Amérique.
Pendant ces deux siècles de stabilité institutionnelle, la France a connu plus de 15 Constitutions pour s'en tenir aux vrais changements institutionnels profonds : trois monarchies constitutionnelles, deux Empires, cinq Républiques … Et encore ces chiffres n'intègrent-ils pas les nombreuses modifications ponctuelles…
Comment rapprocher cette longévité d'un côté et cette consommation accélérée de modifications de l'autre ?
Quelle est la vraie différence entre la Constitution Américaine et la version Française ?
D'un côté, il y a un élu qui doit composer avec de vrais pouvoirs.
De l'autre, il reste un monarque qui se juge dépositaire de la volonté populaire et qui n'a en face de lui aucun vrai contre-pouvoir.
Dans le premier cas, les pouvoirs ont appris à se respecter, à se limiter, à négocier. La négociation est quotidienne, permanente.
Dans le second cas, tout n'est tranché que par la force.
C'est ce rapport de forces qui est atypique dans l'exercice moderne des pouvoirs.
Cette "culture du rapport de forces" est passée dans la culture de chacun.
Pour le changer, il faudrait analyser les raisons profondes de l'abaissement excessif des pouvoirs devant le pouvoir exécutif.
L'abaissement du Parlement tient à une multitude de facteurs. Les conditions du travail parlementaire doivent être révisées avec un renforcement du pouvoir d'expertise de chaque parlementaire. L'écart avec les Sénateurs Américains est consternant. Cet écart affecte pour de nouvelles générations l'attrait pour cette fonction alors même qu'il existe tant d'autres activités plus lucratives et socialement plus prestigieuses désormais.
C'est la question aussi de l'affaiblissement de la fonction de Premier Ministre.
Traditionnellement, sous la Vème République, le Premier Ministre avait trois pouvoirs majeurs :
- les pouvoirs politiques liés aux relations avec le Parlement,
- les relations avec le Président,
- la direction du travail gouvernemental.
Depuis Mai 2007, reste-t-il encore un exercice propre de chacun de ces trois pouvoirs ou pour le moins de l'un de ces trois pouvoirs classiques ?
Les relations avec le Président ne sont plus celles d'un dualisme mais d'une soumission revendiquée.
Les relations avec le Parlement sont entièrement dépendantes des rapports directs établis entre le Parlement et le Président. A ce niveau, le Premier Ministre semble transparent.
Dans la direction du travail gouyernemental, l'existence du Premier Ministre apparaît inversement proportionnelle à l'importance des sujets. Plus le dossier est important, moins le Premier Ministre est décideur face à l'omniprésence présidentielle.
Cette situation structure un nouveau système institutionnel qui aggrave l'échec majeur des institutions de 1958 et tout particulièrement depuis 1962, date de l'élection du président au suffrage universel direct : l'absence de contrepouvoir à la toute puissance présidentielle.
Là réside actuellement toute la responsabilité de François Fillon dans l'exercice de sa fonction de Premier Ministre : incarner un usage qui désormais ulcère l'opinion.
Qu'en serait-il demain lors d'un printemps social "sportif" ? Le Premier Ministre accepterait-il de s'exposer ? Le pourrait-il encore ?
C'est aujourd'hui ce printemps social qui semble retenir toutes les attentions. Des réformes impopulaires sont incontournables. Jusqu'où ira l'expression de l'impopularité ?