hA, Noir. dO, Bleu. pI, Rouge. Hadopi... trois syllabes déraisonnablement rapprochées des Voyelles de Rimbaud : face à un sonnet exaltant l’explosion des sens et la liberté d’expression la plus personnelle, on rit jaune d’entendre l’écho incendiaire, Hadopi, entre le gémissement poussé en « morne plaine » et celui qui appelle « à l’émeute et au combat ».
Pourtant, depuis Donnedieu de Vabres jusqu’à Mitterrand, les mêmes « puanteurs cruelles » encerclent le texte répressif. Musique, cinéma, bien sûr, mais le livre ? Les dégâts causés aux bibliothèques par cette loi sont méconnus : proposant une connexion Internet, elles seront les premières victimes de leur culpabilité de fait.
En effet, qui n’a encore établi les similitudes entre licence globale et droit de prêt ? Qui emprunte consomme, non ? Qui pirate consomme tout autant... Alors quid du « droit de prêt », payé par l’État à 50 % et les collectivités ? (voir la loi du 18 juin 2003, Art. L. 133-4) Le nombre d’abonnés au net effraie, autant que leurs silencieux téléchargements : on contrôle plus aisément des milliers d’établissements qu’un internaute ? Coupons l’envie de télécharger. Puis celle d’emprunter livres, CD, films, et j’en passe, et en oublie !
Par la riposte graduée, on privera tout un établissement de connexion au net : la responsabilité du chef de la bibliothèque sera engagée. Mieux, il sera responsable d’un partage de fichiers réalisés depuis la connexion proposée aux usagers de son établissement ? Ahurissant ? Non, voilà mieux : le portail blanc. Il suit la chose de près. Depuis une bibliothèque, on pourrait n’avoir accès qu’à une liste officielle et limitée de sites Internet. Une censure d’ailleurs dénoncée par l’IABD.
Ailleurs, un combat fut lâchement mené, quand le Syndicat National de l’édition déplora le rejet du texte Internet et Création en juin dernier. On affirma même la victoire d’Internet sur les créateurs. Foin des bocks, de la limonade et de la présomption d’innocence : il faut sévir, lutter contre le piratage, sans quoi les contenus culturels seront pillés et accessibles gratuitement. « Régression démocratique », clamait alors le Syndicat, qui jusqu’à lors s’était tenu coi. Quel vigoureux revirement ! Quelle audacieuse position !
Des évidences crèvent les yeux. Non seulement le taux de TVA réduit ( les 5,5 % des livres papier) n’est pas appliqué aux e-books, mais les éditeurs historiques pratiquent majoritairement des tarifs abusifs sur les versions numériques de leurs ouvrages - quand ils daignent en proposer. Avec un ebook vendu 18 € contre 19,50 € pour la version imprimée, on ne lutte pas contre le piratage, on s’active à réfréner le lecteur...
Nul ne refuse massivement de rémunérer les oeuvres, créations de l’esprit - et les livres en sont. Longtemps silencieux, le SNE se range du côté répressif, au lieu de chercher et offrir des solutions pourtant préconisées par le rapport Patino, basées sur « une offre attractive ». Et c’est là que le bât blesse : aucun (majors, éditeurs et autres) n’envisage de ramener ses tarifs à un niveau acceptable.
Pressons le citron. Et au besoin, Hadopi le fera rentrer dans le presse-agrumes. Relisons les philosophes : que les lois soient garantes de la liberté d’un État et de ses citoyens, certes. Que la liberté comporte l’obéissance aux lois, re-certes. Mais Hadopi ne garantit ni ne crée de liberté. Elle palliera, à prompt renfort de coûts exorbitants (envoi de lettres, temps perdu, encombrement des tribunaux), les prétendues pertes financières du secteur culturel. Mais que l’on ne s’y trompe pas : Hadopi, c’est un DRM national que l’on met en place. La plus grande limitation d’action jamais inventée. Et que certains pays nous envient au point de l’imiter.
Nous y voici : Hadopi, aveu d’incapacité à mieux procéder qu’en légiférant, incarne autant la peur de ceux qui l’ont pensée que les espoirs de ceux qui en profiteront. Et ici, on ne parle nullement d’artistes, de créateurs ni d’écrivains, ouste ! Ces gens-là, ils se plieront aux règles nouvelles.
Qu’importe leur flacon, pourvu qu’on ait l’adresse (IP...).
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