En me promenant à Belgrade, à proximité de la citadelle, j'aperçus soudain, sur les marches du Consulat de France, la photo d'un jeune homme, entourée de fleurs et d'une multitude de petites bougies oranges. Sous la photo, un nom : Brice Taton. Je vis aussi un homme âgé s'incliner respectueusement devant la photo. L'hommage discret et individuel d'un Belgradois. Que s'était-il donc passé ? Cela, je ne l'apprendrai qu'aujourd'hui.
Je suis arrivé à Belgrade le 26 septembre. Neuf jours après l'agression de Brice Taton. Trois jours avant son décès, à l'âge de 28 ans, dans un hôpital de Belgrade. Le 29 septembre, après avoir quitté Belgrade, je poursuivais mon voyage en Voïvodine, à Subotica, sans rien savoir de l'odieuse et mortelle agression à laquelle venait de succomber Brice Taton.
De fait, je ne suis pas un amateur de « faits divers », un de ces voyeurs qui s'attardent longuement sur les malheurs d'autrui pour mieux jouir de leur propre petit bonheur. Et je ne m'intéresse en rien au football, ni aux débordements dont nous gratifient régulièrement les « hooligans » ou « supporters violents », si ce n'est pour conseiller de réprimer sévèrement ces derniers, cela va sans dire.
Toutefois, venant d'écrire pour Criticus un texte en trois volets consacré au panserbisme et n'ayant pas évoqué une seule fois l'affaire Brice Taton, n'ayant pris connaissance des faits qu'aujourd'hui, comme je l'ai dit, j'ai voulu réparer cet oubli bien involontaire en rédigeant ce billet. Ni voyeurisme, ni indifférence, donc.
Certes, le football serbe est, comme tant d'autres, entaché de violence. Certes, l'un des principaux criminels de guerre serbes, qui, dans les années 1970-1980, fut aussi l'un des gangsters les plus recherchés par Interpol, à savoir le « commandant Arkan », alias Zeljko Raznatovic, que je cite dans mon texte sur le panserbisme, fut aussi, en son temps, le président des supporters de l'Étoile rouge de Belgrade et le président du club de football Obilic Belgrade. Tout cela est vrai.
Mais que l'on me comprenne bien, ce billet ne vise aucunement à la récupération politique d'un fait divers odieux, ni à créer des amalgames entre le peuple serbe, le football serbe et la criminalité, qu'elle soit politique ou délinquante. D'ailleurs, sommes-nous si bien placés pour faire la leçon à autrui ? Faut-il rappeler le « drame », que dis-je, la boucherie du stade du Heysel, à Bruxelles, en 1985 ? Ou, bien plus près de nous, les débordements qui ont suivi, à Marseille, l'annulation du match PSG-OM ?
Cette fois, les faits eurent pour toile de fond la rencontre, à Belgrade, des équipes de Toulouse (TFC) et du Partizan Belgrade. Brice Taton et ses amis se rendirent donc à Belgrade pour assister à cette rencontre. Le 18 septembre, en fin d'après-midi, les Français étaient tranquillement assis à l'une de ces nombreuses terrasses du piétonnier de Belgrade que j'ai moi-même parcouru tant de fois. Rien d'agressif ni de provocateur dans leur attitude. Certains d'entre eux portaient même des t-shirts de l'équipe nationale serbe. Lorsque soudain, une vingtaine de « hooligans » serbes, sortis de nulle part et armés de battes de base-ball et de barres de fer, fondirent sur eux. Les coups se mirent à pleuvoir. Brice Taton sera particulièrement pris pour cible par les « hooligans » et subira un véritable déluge de coups. Ses agresseurs vont finalement le traîner vers un escalier et le jeter, sans aucune pitié, du haut d'un muret. Une chute de dix mètres. Un Serbe tentera de s'interposer et sera, lui aussi, violemment attaqué.
À l'arrivée des secours, Brice est encore conscient. Il est transféré d'urgence dans le principal hôpital de Belgrade. Les médecins prennent bien vite conscience de la gravité de l'état de santé de Brice : lésion au cœur, fractures de la boîte crânienne, lésions cérébrales. Toutes les fonctions vitales sont touchées. Brice sombre dans le coma. Il ne se réveillera jamais. Le 29 septembre, après onze jours passés à l'hôpital, Brice Taton décède de ses blessures, sous les yeux de ses parents.
Voilà les faits. Tout commentaire serait superflu, peut-être même indécent. Je ne pouvais cependant, surtout au vu des circonstances, feindre l'ignorance ni faire montre d'indifférence.
Je me permets toutefois de relayer l'action entreprise par les parents et les amis de Brice Taton dans le but d'obtenir que justice soit faite. Il est possible de contacter le site en mémoire de Brice Taton.
Ou de prendre contact à l'adresse suivante :
Association Brice Taton
BP 25110
31504 Toulouse Cédex 5
France
Éric Timmermans
Bruxelles, le 28 octobre 2009.
Criticus, le blog politique de Roman Bernard.
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