Les Cévennes m'ont trahi la nuit dernière. Je suis sorti, comme à mon habitude, pour aller jardiner un peu. Le plancher est toujours froid sur le petit balcon, mais le je trouvais particulièrement douloureux sous mes pieds, moi qui n'avais pas trouvé mes souliers en sortant. J'étais occupé à l'arrosoir, quand je me suis rendu compte que ce qui tombait sur ma peau n'était pas une pluie normale.
C'était un crachin très froid, qui me rappelait un truc que j'avais entrevu à Paris y a quelques jours, mais que j'ai bien connu jadis, dans une autre vie. Je me suis forcé à ouvrir les yeux pour vrai. Le terrain était tout blanc. Une lente valse amenait sur moi tout un peuple de flocons qui se posaient sur mes épaules, sur mes joues, sur mes cuisses, et… là aussi.
J'ai vécu quarante ans au Québec, j'ai connu au moins trois tempêtes du siècle et je me souviens très bien de l'année ou les Canadiens de Guy Lafleur ne perdaient jamais. Mais tabarnak, c'est la première fois de ma vie qu'on me neige sur le poireau.
J'ai éclaté de rire en rentrant, puis j'ai répandu du sel sur les marches de l'escalier. La lune n'est déjà plus pleine. Ce genre de truc ne dure jamais bien longtemps. © Éric McComber