Dana SHISHMANIAN est une Roumaine qui vit depuis longtemps à Paris.
Poétesse, c'est aussi une très grande intellectuelle (notamment, une spécialiste de la Gnose).
Mardi.
…avez-vous remarqué la différence entre pour que et pourquoi
et entre pourquoi et pour quoi et quoi et quoi
(si on réfléchit bien tous les relatifs sont poly-sémantiques
et c’est normal – le tissu référentiel n’est pas infini mais indéfini
(la sémantique c’est quoi sinon le quoi dépouillé de ses quoi
(« orienté objet » ha ha ha quelle découverte anachronique
(et hop nous aussi après 20 siècles et plus de philosophie
du langage, à nous inventer ontologiens
(le web sémantique l’araignée qui nous tisse de l’intérieur
de nos cervelles embrouillées
(mais non mais non ce n’est pas la même chose
(je suis là je suis moi je suis soi de soie de foie de volaille
non retour) non retour) non retour) non retour)
(combien y a-t-il encore ? – de quoi ? – de parenthèses pardi
– je ne sais pas – qui sait – qui sait quoi – de quoi –
de parenthèses (c’est mardi)
Dans le ciel antérieur brille
l’auréole boréale du jour de l’avent
et mon cœur est crucifié comme une fontaine sans fond
(comment une fontaine puisse-t-elle être crucifiée ?
– c’est que l’eau s’ensource de son centre sans cesse
et se reverse sans cesse de ses branches) fontaine arbre de vie
Le pendu
Ai-je tout fouillé ou me reste-t-il encore
dans ce dépotoir de vieux décors
quelque recoin robes costumes maquillages
jamais passés à l'essayage
et vaste tout un désert en dessous
non c'est pas ça et je m'en fous
je cherche je ne sais quoi un trou
pour échapper à ce monde fou
mille petits démons avec moi
se bousculent tous d'un même pas
jusqu'à se prendre les pieds
dans les pizzicatos tels un filet
que les violons ont tendu
pour tenir le monde suspendu
aujourd'hui ou jamais jouons au pendu
si on gagne on est foutu
Les évènements poétiques
Oui, il y a des événements dans un poème
surtout des catastrophes naturelles
il y pleut beaucoup
les inondations n’en sont que plus fréquentes
puisqu’il y a de grands incendies à toujours devoir éteindre
sinon qui sait
le monde pourrait s’effacer
au gré d’une étincelle échappée
d’un poème non terminé
il y a aussi beaucoup de gesticulation
autour des mystères
une eucharistie au propre corps a lieu tous les jours
sous les deux espèces
le pain de la parole le vin du verbe
c’est ainsi que le poète se mange et se partage
vous y êtes invités
entrez et prenez-en tous
juste faut-il en signe de reconnaissance
ouvrir vos organes de sens
à l’intérieur
vous entendrez sentirez goûterez toucherez verrez
le festin nu – les noces au ciel
ici et là des hirondelles
et partout des danses aux loups
qui s’y prend en devient fou
Oui, il y a aussi des chasseurs.
Le 28/12/2009.
Dana SHISHMANIAN.