Le bilan identitaire d'Eric Besson

Publié le 05 janvier 2010 par Juan

Lundi 4 janvier 2010, Eric Besson ne souhaitait pas la bonne année. Il dressait un bilan de son débat sur l'identité nationale, lancé le 2 novembre 2009. Nicolas Sarkozy lui avait demandé d'être plus "pédagogu", juste avant les fêtes de fin d'année.
La droite inquiète, Besson répond
La droite s'inquiète. Le débat identitaire a jusque là surtout servi à replacer involontairement le Front National au centre de l'agenda politique de Sarkofrance. Et comme la rumeur prétend que les électeurs préfèret toujours l'original à la copie... certains élus et responsables de l'UMP s'inquiètent très fortement d'une éventuelle remontée du FN lors du prochain scrutin régional. Eric Besson a donc été prié de mettre les bouchées doubles.
Lundi 4 janvier, à 14H30, le ministre de l'identité nationale recevait donc la presse dans ses locaux. Le ministre a tenu a rappeler que "Le débat sur l'identité nationale n'est pas focalisé sur l'immigration et l'islam". La présentation à la presse étant essentiellement un monologue unilatéral du ministre à l'encontre des journalistes présents, il n'y eut pas de franches explications sur les dérapages nombreux qui ont occupé le déroulement de ce débat.

"Le débat sur l’identité nationale a immédiatement rencontré un immense succès populaire, qui dépasse les prévisions initiales. Un très grand nombre de Français s’en est emparé et souhaite s’exprimer, en répondant à la question « Pour vous, qu’est-ce qu’être Français ? », car je rappelle que c’était la question posée. Le débat occupe l’espace médiatique presque quotidiennement."
Le premier dérapage est venu du question des services d'Eric Besson, publié au Journal Officiel, qui recensait les questions à évoquer par les préfets et sous-préfets en charge des "débats locaux". Début décembre, Eric Besson s'était confié au quotidien Le Monde, sur sa «hiérarchie des appartenances», une version sarko-compatible de la préférence nationale version FN. Puis, comment oublier la polémique sur les minarets suisses, la Burqa ou le mauvais verlan des «Musulmans» dixit Nadine Morano ?
Lundi soir, Eric Besson intervenait sur CANAL+. A la question de savoir s'il n'avait pas l'impression de jouer contre son camp avec ce débat boomerang contre la droite classique, le secrétaire national de l'UMP répondit, agacé : «Vous plaisantez ?»
Les "preuves" du succès
Eric Besson a abreuvé l'assistance de statistiques pour prouver le succès populaire de l'opération. Sur une quarantaine de millions de Français en âge de voter, environ 50 000 sont donc allés poster une contribution sur le site du ministre.
 227 débats, sur 313 organisés, ont été tenus avant le 31 décembre. Le gouvernement se félicite d'une participation entre "30 et 300 participants" par réunion, avec une moyenne à 100. Une centaine de parlementaires se sont "mobilisés" pour l'organisation de ses débats. Un vrai... échec. L'UMP, à elle seule, compte 350 députés, sans compter leurs collègues sénateurs. Le camp du président a majoritairement séché le débat... Qui dit mieux ?
Eric Besson a tenté de répertorier les élus de gauche présents lors des débats. Il a exhibé une poignée d'exemples, "les plus notables"... 12 noms au total. Le plus célèbre des cités est Michel Vauzelle, le président PS du conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur. Ce dernier s'est félicité du débat car, selon lui, il devait révéler les dégats de la politique de Nicolas Sarkozy. De surcroît, "grâce" au débat identitaire, le FN est revenu en situation d'arbitre entre Vauzelle et ses concurrents UMP pour le prochain scrutin. Bravo (et merci) Eric Besson !
Qu'en a-t-il retiré ? Pas grand chose. Les résultats sont minces.
Quels constats ?
Besson expliqua d'abord que «l’immense majorité des contributions au grand débat sur l’identité nationale est parfaitement respectueuse de nos valeurs républicaines.» Où serait donc le débat ? Eric Besson insiste : «Le débat est utile, en lui-même, pour raffermir le lien national. Discuter de ce qui nous unit, ce n’est pas remettre en cause notre cohésion nationale, c’est au contraire nous donner les moyens de la renforcer.»
Rappelons quelques questions suggérées par le ministre aux préfets de la République :
- Pourquoi intégrer les ressortissants étrangers accueillis dans notre République, puis dans notre communauté nationale? (question 1.7)
- "La cohabitation entre communautés vivant séparément est-elle possible dans notre Nation ?" (idem)
- "Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, la suspicion vis à vis de l’ensemble des étrangers ?" (une question rapidement suivie d'une autre, plus diplomate: "Comment mieux lutter contre les discriminations dont sont victimes les personnes immigrées et les Français issus de l’immigration, pour l’accès à l’emploi ou l’accès au logement ?"
Second constat, il paraît que "la question du modèle d’intégration -libéral ou assimilateur fait débat". Reconnaissons à Besson une vérité : c'est une vraie question, ... que Nicolas Sarkozy a préféré enterrer dès son entrée en fonction. A lire la piètre qualité littéraire de nombre de contributions, on peut comprendre que le ministre de l'identité nationale ait été troublé à l'idée d'exiger des candidats à la nationalité française davantage de respect de la langue française que nombre de "bons" citoyens "de souche"...
Troisième constat, "L’un des moyens privilégiés pour raffermir la cohésion nationale est de faire vivre les valeurs et principes républicains." La langue de bois, paraît-il, se juge à l'absurdité de ses affirmations contraires : qui penserait qu'enterrer les valeurs et principes républicains concourrait à raffermir l'identité nationale ? Personne.
Quatrième, et avant-dernière, porte ouverte enfoncée: "Beaucoup de participants insistent sur le civisme et sur le contrat républicain : un citoyen doit donner à la République et recevoir."
Cinquième "orientation", les contributeurs aimeraient l'Europe et loueraient le rayonnement de la France à l'étranger.