Censuré à Singapour lors de sa sortie, 15 (2003) de Royston Tan nous est présenté dans son intégralité durant le Cycle Singapour, Malaisie : Le Cinéma ! Cette œuvre est le prolongement d’un court-métrage éponyme réalisé par le cinéaste. Nous y suivons le quotidien d’adolescents marginalisés et désœuvrés.
15 est un drame qui met en scène une génération de jeunes gens livrés à eux-mêmes. Royston Tan nous livre un constat sans concession et terrible sur une jeunesse déscolarisée, abandonnée par les membres de leur famille respective. Le cinéaste singapourien à travers une mise en scène « très » clipesque raconte l’histoire de ces jeunes par des codes visuels qui leur correspondent. Á travers des effets clips, de jeux vidéo, il nous plonge dans l’univers d’incompris qui souffrent de maux qui les rongent au plus profond. Des incompris dévisagés par les gens qui les entourent, des gens qui ont peur d’une apparence sans chercher à voir ce qu’elle cache.
La force de l’œuvre, 15 est de parvenir à nous communiquer toute la détresse de ces jeunes, le désenchantement qui les caractérise et la déviance avec laquelle ils créent leur identité. Ils couvrent leurs corps de piercings, de tatouages. Ils traînent dans la rue, se battent, se droguent. Ils croient connaître l’amour à travers les films pornographiques tout en s’interrogeant sur le futur dont ils ont peur. Ils chantent leur vie, se perdent dans le trafic de drogue. Ils se voient comme des hommes mais ne sont encore que des enfants dont les larmes qui coulent de leurs yeux nous le rappellent. Royston Tan atteint lugubrement son but, celui de nous dépeindre une partie de la jeunesse en perdition.
15 est une œuvre qui marque et qui s’inscrit dès lors dans ces œuvres cinématographiques qui ont su capter ces cris de souffrance, ceux d’une jeunesse sans repère. Une jeunesse perdue dans un monde qui ne les comprend pas et qui ne leur apporte aucun réconfort. Un monde qui ne leur véhicule que la condamnation, accusée d’être différente et hors norme. La mise en scène de Royston Tan pourrait rebuter, freiner les ardeurs cinéphiles pourtant elle parvient à retranscrire le poumon de cette jeunesse et devient de ce fait représentative de ce qu’ils incarnent : des existences vivant à cent à l’heure dont la flamme se consume aussi vite que le monde qui les broie.
I.D.