Or donc, Philippe Esnol, Aurélie Filippetti et celui que ridiculement [*] l’on surnomme le “Sarkozy de gauche”, le dénommé Manuel Valls, ont dégainé via Libération, une tribune gaillardement intitulée :
“Il faut bannir la burqa de l’espace public”.
Si nous considérons que ces trois personnages ne sauraient ignorer le sens des mots, qu’ils auront donc et assurément pesé chaque terme sept fois dans leur encrier numérique avant de commettre leur tribune, on ne peut faire l’économie du verbe choisi pour illustrer le titre, qui n’est point “interdire” mais “bannir”. Car il y a grande différence, voyez-vous, entre l’interdiction et le bannissement. Entre “empêcher quelqu’un de", ou “d’user de” et … “exclure”, “chasser”, “exiler”…
Certes, on me rétorquera derechef qu’il ne s’agit point de bannir “quelqu’un” mais un “vêtement”. C’est oublier que sous ledit "vêtement", il y a présentement "quelqu’un", et que ce "quelqu’un" (à hauteur de : “500, 1000 ou 2000 femmes” selon le tribun trio) a fait un choix – disons-le tout net – moins religieux que politique : porter la burqa. Car oui, c’est avant tout un acte politique. D’où la difficulté de possiblement légiférer.
Ceci étant, et tenant surtout compte de l’aspect politique, demander au législateur d’interdire le port le burqa en tout espace public, ne suffisait-il pas ? Pourquoi aller, quel besoin d’aller jusqu’au bannissement ? Au moment précis où l’on parle autant de République, où tant et autres s’en font les hérauts et les ardents défenseurs, tels nos trois signataires, pourquoi diable employer un verbe qui coïncide mal avec l’idée même que l’on se fait de cette République ? Bref, depuis quand “bannir” et ”République” sont-ils amicaux-compatibles ?
Je chipote ? Interdire, bannir, quelle importance, pourvu que dans l’espace public, on n’y voit plus aucune burqa ?
Eh bien écoutez, si les mots sont interchangeables, que, ma foi, peu importe celui-ci ou un autre, alors autant considérer que la langue française, dont on dit à raison qu’elle est partie intégrante de notre identité, est un merdier dont on peut user comme bon nous semble, mais dans ce cas, n’allons point reprocher à quiconque de la mal parler ou de la verlaniser.
Je vois, moi, dans le verbe “bannir” une violence que ne contient pas le verbe “interdire”.
J’y vois la notion d’exclusion, notion qui n’est point expressément contenue dans l’interdiction.
J’y vois donc une surenchère qui ne s’imposait pas, d’autant plus quand les signataires se targuent de vouloir “séparer le bon grain de l’ivraie”. Il ne faut pas être grand clerc, pour la trouver, la raison de cette surenchère ...
A vouloir ne pas utiliser le verbe “interdire”, comme s’il était propriété de la droite, nos trois socialistes parviennent, par une entourloupe rhétorique, à proposer pire encore.
Pour le reste, les raisons invoquées (pour - donc - “bannir la burqa de l’espace public”) par Esnol, Filippetti et Valls ne sortent point de l’hypocrisie qu’ils dénoncent. A savoir qu’ils invoquent principalement le concept “d’atteinte à la dignité humaine”, ici la femme, qui serait, selon eux, par la burqa réduite “à un rang de subalterne. Car, poursuivent-ils, une femme dont on ne peut lire les expressions du visage perd de son humanité”. Outre que sociologiquement, anthropologiquement et philosophiquement, cette assertion est d’un grotesque sans nom, c’est donc encore une fois au nom de la dignité des femmes que ces trois-là réclament le bannissement de la burqa. C’est fou, non, ce qu’ils sont, d’un coup, nombreuses et nombreux à s’en soucier, de la dignité des femmes ? Vrai, j’en suis tout ébaudi ! Complètement retourné ! Mazette, mais que de grandeur d’âme subitement ! Est-ce bientôt Noël ou quoi ? Mais arrêtez-donc ces fadaises, cet hypocrite – et le mot est bien faible – argument, en réalité, prétexte. Il n’est point question de dignité des femmes (d’autant plus quand on apprend que certaines, et pas qu’un peu, ont choisi délibérément, et contre l’avis de leurs proches, de porter la burqa) mais d’un problème politique. Et cet aspect-là, vous l’évacuez, vous vous interdisez d’en parler. Pire, vous le bannissez pour l’habiller de nobles sentiments, qui ne sont point burqa, mais piteuse tenue de camouflage.
Ne venez pas vous plaindre, demain – et ce jour ne saurait tarder – que vos hypocrites arguments vous valent un nouveau et retentissant camouflet !
Quoi qu’il en soit, et ce n’est pas, je l’ai dit, jouer sur les mots (ou alors, sur les maux - mais là, ce n’est pas de mon fait, mais du fameux trio) nos trois signataires prônent la bannissement et non l’interdiction de la burqa, considérant que celles qui la portent sont “exclues, de fait, de la société et du champ public puisque cachées intégralement derrière un vêtement indifférencié” !
Voilà qui est pour le moins curieux (ou croustillant, c’est selon) car qu’est-ce que bannir sinon exclure ?
Ou comment, au nom (paraît-il) de la dignité des femmes, répondre à l’exclusion dont elles seraient victimes par … une autre exclusion. Vous me la copierez, celle-ci !
Alors je ne sais pas s’il faut cesser tout débat, mais il me semble qu’une trêve serait la bienvenue.
Non ?
PS : A noter, également, cette incroyable saillie de nos trois défenseurs des droits de la femme (de et dans la société occidentale, bien sûr) :
“Qu’il soit volontaire ou non, le port du voile intégral nuit à la société et à l’ordre public dans la mesure où il soustrait au regard d’autrui les femmes qu’il recouvre”.
C’est assez effrayant de lire une chose pareille. A ce point, que par pure décence laïque, je mets un voile sur les mots fort peu aimables qui, en pagaille, me viennent ; oui, je tairai certaines extravagances ou coutumes occidentales qui consistent à ne point soustraire au regard d’autrui ce qu’il nomme une femme, et que j’appelle, moi, un objet. Ou, le cas échéant, une (vulgaire) marchandise.
[*] Oui, “ridiculement”, car comparer Manuel Valls à Nicolas Sarkozy, c’est attribuer au sieur Valls, un talent politique qu’il n’a pas.
Manuel Valls n’est absolument pas un “Sarkozy de gauche” c’est juste un “homme de droite” qui, en 2012, pourrait bien rejoindre l’équipe du président confortablement réélu ... Pari tenu !