Introduite par la loi du 27 mai 2008, portant adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la substance de cette disposition est aujourd’hui à l’honneur dans la jurisprudence de la Cour de cassation.
Preuve en est : les nombreux arrêts par lesquels la Chambre sociale contrôle la qualification des
éléments objectifs et pertinents, pouvant justifier une différence de traitement.
Ainsi, un diplôme ne constitue pas un élément objectif et pertinent , ni d’ailleurs une catégorie de salariés, en l’occurrence des cadres ; et, last but not the least, le fait que quatre salariés prénommés Mohamed,fassent partie d’une entreprise, eh bien ce fait ne justifie pas la demande d’utilisation d’un pseudonyme faite lors de son embauche à un cinquième bien-nommé !!!!!
D’aucuns ont démontré que, dans les arrêts précités de la cuvée 2009, il s’agissait, en réalité, d’une question purement probatoire. Je me joins à eux dans cette analyse en prenant cette fois l’exemple de l’arrêt du 10 novembre dernier. La Cour de cassation n’y affirme à aucun moment que, la demande d’utilisation d’un pseudonyme, constitue par principe une discrimination, mais seulement que l’existence de quatre autres salariés prénommés Mohamed ne constitue pas un élément objectif et pertinent à même de justifier cette différence de traitement.
Ce n’est donc bien que faute d’élément objectif pertinent qu’il y a discrimination. D’où l’importance primordiale de pouvoir déterminer au préalable quels peuvent être les éléments objectifs et pertinents. Or, de nombreuses questions fondamentales restent sans réponse. Quels sont les éléments objectifs et pertinents ? Au regard de quels critères l’objectivité et la pertinence sont-elles appréciées ? Comment s’assurer ab initio que l’élément invoqué répondra à ces critères dans l’éventualité d’un contentieux ? L’absence de réponse claire et précise à ces questions démontre bien – si besoin en était – le flou dans lequel se trouvent les employeurs.
Certes, toute construction jurisprudentielle implique par nature un certain degré d’insécurité juridique. Cependant, celle-ci paraît en l’occurrence excessive, notamment au regard du risque réel de divergences de jurisprudence qui se profile.
Un seuil intolérable a ainsi été franchi par l’arrêt du 1er juillet 2009. Aux termes de celui-ci, les catégories de salariés ne sont a priori pas un élément objectif et pertinent justifiant une différence de traitement, même quand l’avantage litigieux ressort directement d’une convention collective. La logique est juridiquement imparable : le fait que l’avantage soit conventionnel ne peut pas être une cause justificative étant donné que ce type de norme doit aussi respecter naturellement le principe d’égalité de traitement.
En outre, qu’il s’agisse vraisemblablement d’une question exclusivement probatoire n’enlève malheureusement en rien les effets néfastes de cette jurisprudence :
• L’employeur se trouve face à un problème insoluble : il peut être condamné pour discrimination pour avoir appliqué une convention ou un accord collectif qu’il a pourtant l’obligation d’appliquer !
• De façon plus générale, l’arrêt du 1er juillet constitue assurément une négation de la force obligatoire des conventions légalement formées et une défiance vis-à-vis de l’autonomie des partenaires sociaux. Qui plus est, la négociation catégorielle s’en trouvera sans nul doute affaiblie, voire remise en cause.
Force est de constater que ces problèmes n’intéressent pas uniquement la doctrine – qui s’est empressée de les stigmatiser – mais aussi et, surtout, les employeurs, ainsi que les partenaires sociaux. Gageons que nombres de ces acteurs ont appelé de leurs vœux un assouplissement de cette jurisprudence.
Ont-ils d’ores et déjà été entendus ?
C’est la question qu’on est naturellement amené à se poser à l’aune de l’examen d’un second arrêt du 10 novembre 2009 qui affirme qu’une différence de traitement peut être justifiée par une discordance de diplôme lorsque la convention collective fait dépendre le bénéfice d’une classification à l’obtention de celui-ci.
On note d’emblée une certaine opposition avec l’arrêt du 1er juillet 2009, dans lequel la norme collective n’avait pas permis à l’employeur de justifier la différence de traitement. Certes, le diplôme ne constitue assurément toujours pas un élément objectif et pertinent en lui-même, mais l’assouplissement est, selon moi, potentiellement bien plus important et profitable aux entreprises, ainsi d’ailleurs qu’aux partenaires sociaux et aux salariés.
En effet, les Hauts magistrats ont accordé une valeur décisive aux stipulations conventionnelles, qui constituent en l’espèce l’élément objectif et pertinent, justifiant la différence de traitement salarial. Même s’il ne s’agit que d’un arrêt de rejet, son importance ne doit en aucun cas être négligée, d’autant plus que l’arrêt est classé “FS-PB” uniquement en ce qui concerne le troisième moyen, celui qui nous importe.
M’imprégnant avant l’heure de l’esprit de Noël, les récentes chutes de neige m’amènent ainsi à me poser une question : Le Père noël est-il descendu plus tôt que prévu sur l’Ile de la Cité pour convaincre la Chambre sociale de revenir sur sa jurisprudence ?
Si tel est bien le cas, ce cadeau par anticipation mérite les plus vifs remerciements…