J’ai rencontré l’Islam de France

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Caucasiens, d’ascendance chrétienne, de plus en plus de français se convertissent à l’Islam, devenant même des pratiquants scrupuleux. Alors que la polémique enfle autour des minarets et de l’identité nationale, j’ai pu poser les questions qui fâchent à deux de ces musulmans français.

“L’Islam est une religion magnifique !” Irène a découvert ce culte par sa tante, elle-même convertie. Elle se rappelle : “Je me cherchais, me questionnais sur l’existence de Dieu. En lisant le Coran, j’ai découvert la religion qui me correspondait.” Française “pure souche”, cette jeune interprète se désole de l’image que les médias montrent de l’Islam. Avec Laurent, son mari, ils attendent un heureux événement. Quand j’ai vu ce grand gaillard plutôt palot, portant une large barbe tirant sur le roux, j’avoue, je me suis dit, un brin de moquerie derrière la tête : “Tiens, un mormon !” Ce n’est que par la suite, en rencontrant son épouse, que j’ai appris qu’ils étaient musulmans.

Mais pourquoi tourner le dos à la religion de ses parents ? Irène soutient qu’il ne faut y voir aucun besoin de se démarquer. Pour elle, le contenu du Coran, si riche en vérités aujourd’hui scientifiquement avérées, est une preuve de la supériorité de cette religion sur les traditions judéo-chrétiennes qu’elle juge comme vidées de leur sens : “Il n’y a qu’à regarder ce que Noël est devenu : une vaste affaire commerciale où Dieu n’a plus de place.”

Là-dessus, je ne suis pas tout à fait d’accord. Je connais encore des chrétiens qui vivent la période de Noël avec une ferveur toute religieuse, qui pratiquent le Carême et s’efforcent de pardonner lorsqu’on les offense.

Mais sans vouloir froisser qui que ce soit, Laurent précise qu’il jeûne tous les jeudis, en plus du ramadan annuel et que la prière tient une place importante dans sa vie. Chose qui n’était pas le cas quand il était catholique.

La foi serait un concours de démonstrations ? Encore une fois, me voilà dubitative. Mais Irène inverse les rôles et me pose une question qui fait mouche : “Etes-vous croyante ?” Euh, je suis gênée de l’admettre, mais sans renier la culture dans laquelle j’ai baigné depuis l’enfance, je crois de moins en moins en un Dieu créateur qui veillerait sur les hommes et ne leur enverrait que les épreuves qu’ils peuvent supporter.

Elle rebondit alors : “Vous voyez, les musulmans sont de plus en plus nombreux et de plus en plus convaincus.”

Peut-être. Mais est-ce seulement l’essor numérique de l’Islam qui gêne les français de confessions diverses ? Très personnellement, dans la mesure où la liberté de culte fait partie de la constitution, je trouve normal que les musulmans disposent de lieux de prière, au même titre que les catholiques, les protestants, les juifs, les bouddhistes ou autres.

Ce qui me chagrine en revanche, c’est le terme qu'ils utilisent pour désigner les non-musulmans : les mécréants. C’est sans doute moi qui me méprends en y voyant une connotation péjorative.

Que dit le Coran sur Jésus ? Il ne serait qu’un homme, il n’aurait pas été crucifié. Dieu aurait donné son apparence à un autre homme qui aurait subi ce châtiment à sa place. Rien de divin dans sa prétendue résurrection qui n’en est pas une. Bref, les chrétiens auraient tout faux. Comme preuve de respect envers les autres cultes, on peut mieux faire.

Qu’en est-il du statut de la femme ? Dans le Coran, elle est précieuse, comme peut l’être celle qui donne la vie. Elle peut avoir des biens personnels et en disposer sans rendre de compte à son mari. Mais elle se doit de cacher ses yeux et les parties de son corps qui pourraient attiser le désir des hommes. Le maquillage est donc proscrit, tout comme l’épilation et les coiffeurs qui tentent de faire ressembler les bonnes musulmanes à des mécréantes. Ça me rappelle un certain péché originel. La femme tente l’homme dont la chair est faible. Bonne façon pour ces messieurs de se dédouaner de leurs petites ou grosses incartades.

Je sais bien ce que l’on pourra me dire : pour lire le Coran, il faut le faire en arabe. La véritable parole de Dieu est trop souvent déformée par les traductions et les interprétations de personnes qui veulent salir l’Islam.

Le souci, c’est que les extrémistes se revendiquent ultra-musulmans. Pour eux, ce qu’ils arrivent à commettre est forcément voulu par Dieu, puisque sans cela, ils seraient tenus en échec par la volonté divine.

Irène et Laurent sont des français musulmans. Ils ont le droit de vivre en paix dans leur pays, de pratiquer leur culte librement. Mais s'ils parlent volontiers de leurs convictions, ils s'abstiennent de les afficher sur leur tenue, car la France est un pays laïque. On sent chez un un certain prosélytisme, mais pas la moindre agressivité. Ils sont nés en France et s'y sentent à leur place.

Pour ceux qui n'ont pas cette chance, la solution n'est pas dans le rejet du pays "d'accueil", mais bel et bien dans l'affirmation d'une volonté d'être aussi français que musulman. Abdel, français, musulman, commercial. Khadija, française, musulmane, comptable. Farida, française, musulmane, institutrice... Alors, les minarets pourront s’ériger au côté des clochers sans émouvoir les riverains.