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Ça y est, je sens mon corps osciller de haut en bas, mu par l’élasticité de la planche du plongeoir. Mercredi sera mon dernier jour de travail, mon adieu à une profession que j’ai voulu quitter depuis que je l’ai embrassée. Dans ma tête, les hauts pleins d’es
poir alternent avec les bas, paniquée à l’idée de lâcher la proie pour l’ombre.
Si seulement j’avais pu continuer à travailler à mi-temps, histoire d’assurer le quotidien tout en gardant de l’espace pour ma reconversion. Malheureusement, c’était déjà ce que je faisais. Et exercer mon activité “alimentaire” correctement me demandait tant d’énergie (eh oui, quand on a envie de bâcler, c’est dur de s’appliquer) que j’ai dû me rendre à l’évidence : impossible de gagner sur tous les tableaux.
Tant pis, soyons folles, faisons le grand saut dans l’inconnu. Il y a un mois, je posai une lettre de démission sur le bureau de ma titulaire. Début de la fin d’une carrière, pour je l’espère en entamer une autre plus brillante, car plus épanouissante.
Quoi la crise ? James Cameron vient de sortir le film le plus cher de l’Histoire du Cinéma, tout va bien ! Et JE vais bien. Même pas peur. Chaque jour, je me lève, j’allume compulsivement mon Mac comme d’autres s’allument leur première cigarette de la journée, la main tremblante et la bouche en cul de poule prête à tirer une bouffée salvatrice. J’espére avoir reçu des mails, preuves que l’on s’intéresse toujours à moi, que j’existe en dehors de ce satané job.
En général, les jours où je ne travaille pas, j’essaie de me fixer un objectif et (surtout) de m’y tenir. Me coudre le kimono pour lequel j’ai acheté quatre mètres de tissu il y a déjà des mois, finir de lire Tout est sous contrôle de mon cher Hugh Laurie, le boîteux le plus sexy de toutes les séries américaines, ou encore fabriquer en urgence avant Noël une pochette en cuir pour protéger le miroir de poche que je compte offrir à ma belle-soeur. Tenez, quand je vous dis que mon blog est confidentiel, je n’exagère rien ! Je suis tellement sûre que la femme de mon frère ne foutra pas les pieds sur FDC avant que je lui offre son paquet, que j’ose mettre en ligne une photo de l’oeuvre que j’ai réalisée tout spécialement pour elle. Plutôt jolie ma pochette, non ? (Et plutôt pitoyable, le constat.)
Mais pourquoi un tel déballage ? Que veux-je donc prouver et à qui ? Réponses : à moi, que je suis bonne à quelque chose. Car quand on laisse un travail sûr et suffisamment rémunéré pour le plaisir de se demander si la vie ne serait pas mieux autrement, y a de quoi se poser des questions quant à sa santé mentale ! Je me rassure donc dans l’action.
Ouille, v’là un doute qui pointe son gros nez crochu : “Où crois-tu aller si tu ne connais pas la destination de tes rêves ?Ta gueule, Cyrano !” D’un crochet du gauche, je lui fracture sa vilaine péninsule : “Celui qui ne prend jamais la route ne va nulle part !”
Quand bien même je serais comme le jeune héros de l’Alchimiste de Paulo Coelho, à vouloir parcourir le monde à la recherche de ce qui se trouve en fait tout près de lui, ce qui compte n’est pas le lieu, mais le chemin. Peut-être ai-je besoin de ce périple intérieur (et peut-être géographique, on verra) pour devenir celle qui saura reconnaître le trésor caché. Alors assez d’atermoiements, j’ai enfilé mon maillot de bain, j’ai avancé jusqu’au bout de la planche et le vide m’appelle. Alors je vais plonger. Je vais le faire. L’eau sera glacée, tiède ou les deux à la fois, je n’en sais rien.
Accepter de ne pas tout maîtriser, l’enjeu est là. La conférence de Copenhague est un échec, alors je peux bien relativiser la portée du coup de tête que je m’apprête à donner dans le cours bien réglé de ma petite vie étriquée. Tiens, c’est une idée ! Et si je me lançais dans une action en faveur de la préservation de l’environnement ? Après tout, si nous avons le trou de la Sécu, la Nature a le trou de la couche d’ozone, on ne peut plus lui prendre sans rien donner en retour. Prendre la clé des champs...
Ou bien la clé des chants ? C’est vrai que j’aime aussi pousser la chansonnette. Enfin, sous la douche, quand personne ne peut m’entendre. Et pourquoi pas la clé à mollette ? Je bricole plutôt bien... Bon, je pense que la révélation, ce ne sera pas pour tout de suite. Je sais d’où je pars, ce n’est pas si mal. A chaque jour suffit sa peine.
* Première image : sculpture d’Agnès Gay, intitulée “Le grand saut”. J’aime beaucoup le mouvement de ce corps tronqué, alors je vous le fais partager.