Non ce n’est pas une île lointaine d’Océanie peuplée de gens bizarres et pourtant c’est bien de bizarreries qu’il s’agit. D’ailleurs, s’il fallait la situer géographiquement ce serait plutôt à Arras qu’il faudrait penser. Imaginez un poème, plus exactement un onzain assez particulier n’ayant ni queue ni tête traduisant une pensée incohérente dans un langage qui ne l’est pas moins, avec parfois un contenu caché satirique et pamphlétaire, vous obtenez par exemple :
Je vis toute la mer
S’assembler sur terre
Pour faire un tournoi
Et des pois à piler
Sur un chat montés
Firent notre roi.
La-dessus vint je ne sais quoi
Qui prit Calais et Saint-Omer
Et les mit à la broche,
Les faisant reculer
Sur le mont Saint-Éloi.
Et ainsi de suite. Non ce n’est pas de l’écriture automatique ni de la pataphysique, encore moins de l’Oulipo. Enfin un peu de l’Oulipo toutefois, mais de l’Oulipo par anticipation selon les règles de ce dernier puisque cet extrait est d’un certain poète médiéval, Philippe de Beaumanoir (1250-1296), qui excella dans ce que l’on appelle la fatrasie, genre littéraire complexe donnant dans le non-sens à tout va à travers une expérimentation du langage digne d’André Breton.
Mais au fait, pourquoi Arras ? Tout simplement parce qu’une école arrageoise s’illustra dans cette fantaisie littéraire comme en témoigne un recueil d’auteur inconnu, Les Fatrasies d’Arras, conservé à la bibliothèque de l’Arsenal.