L’homme qui s’exprime ainsi est Silvio, le narrateur de “L’amour conjugal” d’Alberto Moravia et la chèvre qui broute n’est autre que sa femme Léda pour laquelle il n’a de cesse de proclamer son amour tout le long du livre ! Déjà, dans les premières pages et dès les premiers jours de leur mariage, à croire que l’amour de Silvio pour Léda est loin d’être aveugle, celui-ci remarque sur le visage de sa bien-aimée, non sans se sentir floué, “une large grimace muette qui paraissait exprimer la peur, de l’angoisse, de la répugnance… Cette grimace faisait, pour ainsi dire, ressortir violemment l’irrégularité naturelle des traits et donnait à sa physionomie l’aspect repoussant d’un masque grotesque dans lequel, par une bouffonnerie particulière, incongrue autant que pénible, les traits auraient été exagérés jusqu’à la caricature… “.
Mais Silvio aime Léda plus que tout, enfin un peu moins que son chef d’œuvre littéraire qu’il décide d’écrire en refusant de remplir son devoir conjugal pour mieux s’y consacrer. Mais ce que Silvio ne sait pas encore en voyant cette chèvre qui monte en broutant entre les buissons, c’est que la bique qu’il aime tant est en train de rejoindre le barbier de son mari, le contraire d’un homme à femmes, particulièrement laid, gras et chauve, le quadra bon père de famille Antonio, qui a fini par devenir son amant !