J’ai tout aussi pu perdre la main, il faut l’envisager. Ces derniers temps, j’ai préféré bidouiller l’interface du site plutôt que d’exercer mes petits doigts rigidifiés par le froid sur mon clavier rétroéclairé. Notez tout de même que grâce à ces expérimentations laborieuses, sont apparus nouvellement sur plumard.com une bannière dynamique en home page et un Widget Amazon dans la barre latérale (je ramasse 5% sur chaque livre commandé et je peux vous en rétrocéder 2,5%, moyennant quoi vous avez là un bon moyen de contourner la loi Jack Lang sur le prix unique du livre). J’ai donc provisoirement épuisé mes compétences en développement HTML et base de données MySQL. Ne reste plus qu’à poster !
Une fois n’est pas coutume, en feuilletant la Voix du Nord cette semaine j’ai fait une découverte dans les pages consacrées aux actualités lilloises : «Les étudiants de Science Po jouent la croupe du monde sur Internet». Le sujet est vendeur : les marketeurs de la Voix du Nord ne s’y sont pas trompés, qui ont repris en caractères gras sur les affichettes disposées dans les kiosques «Les étudiants de Science Po Lille montrent leurs fesses et créent le buzz sur Internet».
D’ordinaire, j’évite d’acheter les journaux dont les manchettes racolent leur lectorat avec trop d’insistance. Par expérience, je sais que l’on est toujours déçu. Dans le cas présent, c’était tout différent : j’ai frissonné à l’idée d’être dépassé par mon temps, incapable de suivre la seule actualité qui vaille pour rester dans le coup : le buzz. Être informé de l’existence d’un buzz en lisant La Voix du Nord, c’est un peu comme apprendre de son grand-père comment on active la fonction réveil sur son iPod touch ; ça vous remet illico à votre place. Et votre place, c’est bien peu de choses croyez-moi. À peine est-on parvenu à l’acmé de son développement cérébral que, déjà, il faut être prêt à parer aux conséquences de sa progressive et lente dégénérescence.
J’allais oublier : le jeu de mots contenu dans le titre de l’article laissait supposer la présence d’autres calembours. (Ce sur quoi je ne m’étais pas trompé, puisque j’ai pu y dénicher : «beaux culs de bruit pour rien», «Science Popotins» et – le meilleur- «les bêtises de cambrés».)
Alors, j’ai acquis un exemplaire du journal et parcouru l’article en question avec une curiosité mal dissimulée. Science Po Lille est tout de même une institution : demandez donc à ma mère combien elle aurait été contente de me voir admis dans ce temple provincial de la Culture Générale ? C’est prestigieux de faire ses études à Science Po : je ne sais pas vraiment en quoi ça consiste, ni quels débouchés ça peut bien offrir, mais j’ai souvent vu des étudiants, en ville ou dans le métro, porter haut leurs besaces logotypées «Science Po Lille». Je n’aurais pas même accepté de porter un slip aux couleurs de Lille 3 (où j’ai fait mes études), d’où j’en déduis que Science Po est une bonne école.
Bref, le cursus de ces étudiants cultivés, nous apprend l’article, comporte une année de formation à l’étranger. La promo se retrouve alors dispersée de par le vaste monde, s’échangeant les dernières nouvelles par Internet. Chemin faisant (et n’ayant peut-être pas mieux à se dire ?) les jeunes gens ont commencé à s’échanger des photos de leurs postérieurs, immortalisés aux quatre coins du monde, si possible dans des décors grandioses. Il faut dire que les étudiants de Science Po sont parmi les plus engagés que je connaisse. Politique, environnement, culture, société, règles du billard américain : il n’est pas une lutte, pas un combat à propos duquel ils n’aient rien à dire. Ce qui doit être, j’imagine, très fatigant pour eux. C’est pourquoi l’idée d’une cause aussi vaine que celle de libérer la fesse a dû faire de nombreux émules dans leurs rangs.
On peut légitimement être déçu par la pauvreté du manifeste, le manque de souffle du mouvement (on parle déjà de faire un calendrier et de récolter des fonds pour une association locale… on attendait un peu mieux !). Au final, reste une jolie collection de photographies et un mot à retenir pour avoir l’air un peu plus cultivé demain : «callypige», littéralement, «qui a de belles fesses».
À ne pas confondre avec Qualipige, une agence spécialisée dans la confection de publi-communiqués, ces publicités honteuses qui prennent l’apparence d’un article du journal que vous êtes en train de lire pour mieux piéger Mme Michu quand elle entreprend de se cultiver avec un programme télé entre deux lessives. (Vous remarquerez, ils ont poussé le vice jusqu’à faire passer leur site corporate pour un site perso… on ne se refait pas !).
>> Visiter le site Pour la liberté de la Fesse.
P.S. : Je suis très content de ce premier article de 2010, où la densité du mot «fesse» est très bonne, ce qui devrait m’assurer une audience confortable dans les prochaines semaines. Et peut-être déjà mes premiers succès avec le programme Partenaire Amazon….
Bonne année sur plumard.com !