Nous sommes le 3 janvier 2010, il fait froid, le temps semble beau. La route est droite, mais la pente est rude et surtout glissante : je vous souhaite une bonne année 2010 !
Et avant de commencer le premier billet de cette année, je voudrais tout particulièrement vous remercier, vous, lecteurs nombreux, qui lisez mes petites chroniques quasi hebdomadaires. Votre acharnement à supporter ma prose montrent que le courage existe encore en ce bas-monde. C’est surtout grâce à vous que je continue, malgré bien souvent un emploi du temps chargé, à tenter de distiller quelques notes humoristiques sur une actualité qui, parfois, s’y prête mal.
Cette année 2010 s’annonce donc assez rock’n'roll. Et commence en fanfare.
On peut ainsi commencer - Pop ! font les bouchons de Champagne – par les sirupeuses déclarations du président de tous les Français, qui s’est lancé dans une petite tirade à la Royal en louant la nécessité d’une fraternité, d’une compréhension nationale et les vertus de petits poutous entre les socialistes de droite et les socialistes de gauche.
Il a même été jusqu’à féliciter les Français pour leur sang-froid. Il est vrai – et ce blog en est une preuve – que ces derniers ont réellement fait preuve d’une absence de réaction assez surprenante pour un peuple essentiellement porté sur la rouspétance et le ronchonnement.
Les taxes n’ont en effet pas cessé de s’abattre et pourtant … rien.
Les agitations futiles dans des mesures purement cosmétiques se sont égrainées au cours de l’année en pure perte et pourtant … nada.
Les scandales ont succédé aux déclarations consternantes, les petites phrases ont pris le relais des blagues vaseuses, les émeutes ont suivi les échauffourées, le tout, … sans réactions.
A vrai dire, pour ma part, je ne mets pas ça sur le compte du courage, mais plutôt de l’apathie.
Nicolas Sarkozy, à mots couverts, félicite donc les Français pour leur totale apathie. Bien conscients qu’on les enfile par tous les orifices et que ce n’est pas prêt de s’arrêter, bien lucides devant le champ de ruine que constitue maintenant les promesses électorales non tenues, les chiffres affolants du chômage, de la dette et des déficits dans les comptes de l’état, des organismes sociaux, des régions ou … de leurs propres comptes en banque, les contribuables semblent complètement K.O., abasourdis comme un boxeur assommé en plein match.
On comprend alors que Sarkozy, lors de ses vœux, ait tenté le tout pour le tout. Voyant cette carence chronique de tout réflexe auto-protecteur chez les moutontribuables et frôlant avec calme et détermination un certain cynisme, il annonce clairement la couleur : l’année 2010, ce sera tout comme 2009, mais en deux fois plus, avec beaucoup de sauce.
On continuera ainsi à gesticuler à l’Assemblée pour pondre lois sur lois pour faire croire qu’un morceau de papier vaut autant qu’une action de terrain, et, toujours dans la catégorie « papier hygiénique parlementaire » , on continuera à forcer le passage pour quelques taxes supplémentaires : la carbonée passera, coûte que coûte – c’est vous qui payez – et les autres aussi, sans souci.
Détendez-vous, ce n’est que le début. Et puis, n’oubliez pas : les impôts n’augmenteront pas.
(Ça va devenir un vrai leitmotiv : Ce Pays Est Foutu Mais Les Impôts N’Augmenteront Pas).
On continuera à dévaloriser la République : on persistera à distribuer des médailles en chocolats à d’illustres fanfarons et autres clowns de la piste aux étoiles : les zillustres zârtistes de 2010 ont reçu une légion d’honneur dont chaque fournée en augmente les légions et en diminue l’honorabilité. Cette année, il faut avoir fait un film bobologique massivement sponsorisé par des boutiques de luxe pour faire partie de la troupe, ou, alternativement, avoir su frotter la présidence ou l’establishment dans le sens du poil en dirigeant une société du CAC. Apparemment, les émoluments relatifs au poste ne suffisent plus : il faut aussi un hochet.
On continuera la gabegie des fonds publics en achetant plus cher que le marché trop de vaccins pour une grippe qui fait moins de dégâts que la grippe saisonnière alors que les comptes publics sont dans un rouge carmin totalement raccord avec le Père Noël auquel semblent croire nos politiciens si l’on regarde la façon dont ils gèrent les comptes sociaux.
Et une fois ces vaccins achetés, comme personne n’en veut, … on les revendra à vil prix (i.e. sans faire le moindre profit, et en les ayant longuement stocké et géré entretemps, soit une perte sèche pour le contribuable). Eh oui : la panique a un coût. Les grands laboratoires pharmaceutiques, eux, ne seront pas perdants.
Et enfin, on continuera à nier les évidences : un millier de voitures qui brûlent, ce n’est pas un problème grave de société, c’est une manifestation festive d’un peu d’agressivité, assez jolie vue de loin, colorée, et – ce qui est pratique par ces temps un peu froids – réchauffante. Tout au plus titrera-t-on dans la presse : « Calme relatif« . Pour les fauteuils en tissus de la 205 de M. Dubougeot, brûlés entre le 31/12/09 et le 01/01/10, ce calme aura été effectivement très relatif.
L’important reste tout de même qu’avec 1137 voitures parties en fumée, Hortefeux s’estime satisfait. Je suppose qu’avec 1136, il aurait été content, et 1135, franchement heureux. A 1134, aurait-il frôlé l’orgasme ? En tout cas, il peut se réjouir : grâce à de nombreuses interpellations (des centaines, en fait), il aura réussi à diminuer de dix le nombre des barbecues citoyens. Les jeunes (déçus ?) n’ont citoyennement blessé que 16 représentants de l’ordre, et tout ceci grâce à une mobilisation exceptionnelle de 45000 pandores.
Ce qui veut dire qu’avec une telle mobilisation, finalement, … ça ne change pas grand-chose aux années précédentes. Avec un peu de malice, on peut peut-être en conclure que les dix voitures de moins doivent correspondre aux fraudeurs à l’assurance qui, devant les impressionnants moyens mis en place, auront renoncé à bouter le feu à leur propre véhicule.
M. Dubougeot, quant à lui, ira bosser à vélo lundi. C’est aussi ça, la nouvelle année : plein de bonnes résolutions, et, pour certains, un peu d’écologie à pédales dans les frais matins d’hiver, pour 50 kilomètres aller, 50 kilomètres retour.
Mais gageons que, comme en 2009, on continuera à se focaliser sur les vrais débats de société : par exemple, on pourra monter en épingle le bricolage cérémonial tenté par un maire de Loire-Atlantique pour le PACS de deux lesbiennes. Ces petits événements, finalement, donnent un sens profond à la vie dans ce pays, qui permettent de décider de la vie de tous et de chacun à grands coups de décrets, et de mettre un boxon pas possible dans les médias histoire de camoufler tout ce qui fait réellement peur, et d’occuper les esprits dans le bruit blanc des frous-frous effervescents et les paillettes colorées d’un pays qui festoie avant d’aller se jeter du haut d’une falaise.
Youpi, pas de doute : en 2010 comme en 2009, ce pays est foutu.