Charlotte, ou le glamour pudique
Deux décennies pour se défaire de l’arbre généalogique. Un temps long pour sortir de l’ombre que le génie du père n’a cessé d’étendre sur elle. L’affaire Charlotte Gainsbourg pourrait au fond tenir en ces termes triviaux, qui quantifient la peine nécessaire pour alléger le legs musical laissé par un géniteur encombrant. Mettre fin, ne serait-ce que artistiquement, à la lourde filiation peut se résumer chez elle à un exercice gourmand en temps, à une démarche passible de brûler une partie de la jeunesse. Alors oui, Charlotte Gainsbourg a passé la moitié de son temps à essayer d’oublier. Alors que ses débuts musicaux se sont profilés en 1984, elle a peut-être atteint l’émancipation aujourd’hui, aux portes de la quarantaine. Son troisième album, IRM, arrive 25 ans après les sulfureux et troublants débuts que lui avait tracés son père Serge avec «Lemon Incest». Une éternité s’est depuis lors écoulée.
Elle aura été nécessaire pour trouver le ton, les mots, des notes et surtout l’envie de jouer dans le terrain que dominait son père. Il y a trois ans seulement, le tournant s’amorçait déjà. Avec 5:55, la chanteuse prenait l’envol, se défaisait du raté de Charlotte Forever et se retrouvait au centre d’un succès commercial inattendu: plus d’un million de copies écoulées dans le monde. Voilà qui donne les armes de la persévérance. Des armes particulières, à vrai dire, qui doivent beaucoup à sa faculté de s’entourer d’artistes qui comptent pour donner de la substance à ses albums, pour les générer et les habiller.Le problème avec Charlotte, la chanteuse, est sans doute là. Car si l’actrice a fait largement ses preuves avec plus de trente films au CV, deux César et un prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes, le talent de l’intermittente de la musique demeure insaisissable, difficile à mesurer. Ainsi, les amateurs du septième art auront été bouleversés par sa performance dans l’éprouvant Antichrist de Lars von Trier. Et ils pourront encore se laisser subjuguer par son magnétisme dans la dernière œuvre de Patrice Chéreau, Persécution. Pendant ce temps, les mélomanes essaieront de saisir la valeur de cette voix diaphane et intimiste qui se greffe sur une musique venue d’ailleurs.
Posté par va33 à 19:26 - Musique - Commentaires [1] - Rétroliens [0] - Permalien [#]Tags : Charlotte Gainsbourg