Ben voilà, dans un futur proche, nous n’aurons plus besoin de nous lever pour aller travailler. On restera sagement vautrés dans nos fauteuils et on contrôlera à distance, par la seule force de notre pensée (pour certains ce sera dur…), des types portant un nez rouge et des chaussures taille 72 : les clowns…
Ah ! On me dit dans mon oreillette qu’en fait il s’agit de clones. Pas au sens génétique du terme, plutôt au sens robotique… En fait, il s’agit d’androïdes perfectionnés ressemblant très fortement à des humains, et répondant aux ordres que leurs propriétaires envoient grâce à des émetteurs reliés directement à leurs neurones. Des avatars si vous préférez, des masques sociaux qui permettent à n’importe quel individu de choisir son apparence publique, soit un double parfait, possédant le même physique, mais sans les défauts liés au vieillissement ou aux épreuves de la vie, soit un look totalement différent.
Avec ce procédé révolutionnaire, pas besoin du CV anonyme, c’est le candidat lui-même qui est anonyme. Plus de discrimination sexuelle ou raciale puisqu’un clone n’est pas obligatoirement le reflet exact de son propriétaire ! Seule la classe sociale est encore visible puisque les clones récents, les plus ressemblants, sont aussi les plus onéreux… Autre conséquence de cette technologie qui permet aux gens de ne plus sortir de chez eux, la délinquance est en très forte baisse et le nombre de meurtres est désormais quasi-nul… Une société idéale? Presque, car il y a quelques hics…
Premier problème : des opposants à ce règne des machines, inquiets de la déshumanisation de la société, se sont organisés et mènent une fronde contre les industriels et l’ordre établi. Des zones sans clones ont été instaurées et ses habitants veillent à ce qu’aucune intrusion ne vienne troubler leur quiétude.
Second problème, et de taille : une nouvelle arme a été mise au point pour détruire plus rapidement les clones, mais elle a aussi pour effet de tuer également la personne qui le contrôle, en grillant à distance son cerveau… Lorsque les premiers cadavres sont retrouvés, il devient évident que l’arme est dans la nature, entre les mains d’un individu instable qui cherche à semer la destruction et la mort au sein de la population.
Pour l’agent Greer, ou plutôt son clone, c’est le début d’une longue course contre la montre pour éviter un massacre programmé. Une investigation périlleuse qui va l’amener à réfléchir sur l’utilisation de ces substituts d’humains et changer son regard sur ses semblables…
Clones, de Jonathan Mostow, est l’adaptation cinématographique d’un comic book de Robert Venditti et Brett Weldele (*). Cette bande-dessinée développait des thèmes intéressants et des réflexions passionnantes sur le progrès, ses avantages, ses conséquences, et ménageait surtout un climat de paranoïa propice à la mise en place d’un suspense vertigineux. Dans cette histoire bien menée, on ne sait en effet jamais qui est qui, puisque les enveloppe de chair et de métal peuvent dissimuler aussi bien un allié qu’un ennemi, et que l’enquête révèle peu à peu des enjeux de plus en plus important, impliquant à des degrés différents notables, industriels, militaires et rebelles anti-clones… Il y avait donc là matière à un thriller d’anticipation brillant et intelligent, dans la lignée du Blade runner de Ridley Scott.
Hélas, les ambitions du film de Jonathan Mostow ne semblent pas aussi élevées. L’idée est juste d’offrir à un Bruce Willis assez ridiculement moumouté un nouveau rôle de flic pugnace et de donner au spectateur de base son lot de scènes d’action spectaculaires pendant qu’il se bâfre de popcorn. Résultat, toutes les belles idées du récit de Robert Venditti se retrouvent diluées dans une oeuvre totalement calibrée selon les critères hollywoodiens en vigueur.
Ce n’est pas mauvais, mais il manque à l’œuvre l’inspiration, la folie et la noirceur qui lui auraient donné une tout autre dimension.
Autre problème, le casting, pas toujours très convaincant. Bruce Willis s’en tire assez honorablement, malgré cette horrible perruque qu’on lui a vissé sur le crâne – pas aussi moche que celle de Nicolas Cage dans Next, mais presque… Il parvient notamment à jouer différemment le personnage et son clone, chose que ses partenaires n’arrivent presque jamais à faire. Radha Mitchell, la collègue flic de Greer, a toujours l’air trop humaine quelque soient les situations. James Cromwell, à l’inverse, semble trop monolithique pour un être humain. Quand à Ving Rhames, lui aussi victime de l’étrange malédiction capillaire qui s’est abattue sur le film – une barbe et une choucroute de dreadlocks qui le font ressembler à un Bob Marley obèse et illuminé – il est trop ridicule pour être crédible en dangereux prophète…
Heureusement, le cinéaste n’est pas un de ces tâcherons qui empilent les mauvais action-movies à la pelle. Il maîtrise plutôt bien les codes cinématographiques et grâce à sa mise en scène efficace, on suit sans déplaisir cette intrigue de science-fiction formatée pour le plus grand nombre. Raison de plus pour regretter que le film n’aille pas plus loin. Mostow avait là une belle occasion de décliner brillamment la thématique principale de son oeuvre : le rapport entre l’homme et les machines. Un sujet qu’il avait abordé dans U-571, où, pendant la seconde guerre mondiale, un groupe de soldats américains se trouvait piégé dans un sous-marin allemand, avec pour obligation de trouver comment manœuvrer l’engin dont toutes les commandes se trouvaient écrites dans la langue de Goethe, et dans Terminator 3 : le soulèvement des machines.
Thriller de SF paresseux mais divertissant, Clones pourra peut-être vous contenter, mais ne vaut probablement pas la fatigue d’un déplacement au cinéma. Un jour, vous pourrez peut-être y envoyer votre clone, mais en attendant, il y a sûrement mieux à voir sur les écrans…
(*) : « Clones – the surrogates » de Robert Venditti & Brett Weldele – coll. Contrebande – éd. Delcourt
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Clones
The surrogates
Réalisateur : Jonathan Mostow
Avec : Bruce Willis, Radha Mitchell, Ving Rhames
Origine : Etats-Unis
Genre : Science-fiction, Anticipation, top moumoute
Durée : 1h25
Date de sortie France : 28/10/2009
Note pour ce film : ˜˜˜˜™™
contrepoint critique chez : -
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