J'ai rêvé cette nuit que le pape venait de mourir. Franchissant une enceinte, je me retrouve dans la pénombre d'un accès latéral au parvis de ce qui doit être Saint-Pierre de Rome. La porte centrale est ouverte ; une longue table couverte d'une nappe blanche est dressée à l'entrée, dans le sens de la nef. La foule inquiète des fidèles attend en contrebas sur la place, derrière les barrières, que l'on élise le nouveau pape. Au bout de la table, du côté de la Basilique, se tient un personnage habillé de bleu, assis sur un trône d'or. De chaque côté de la table, des érudits, des théologiens, des évêques et des cardinaux sont penchés sur leurs écrits. Je propose dès mon arrivée de choisir un pape double : moi et mon ami en bleu qui trône silencieusement. Les clercs se récrient et m'avancent des arguments que je ne comprends pas. Je leur demande à deux reprises de répéter et me concentre intensément pour comprendre ce qu'ils avancent. Ils semblent parler ma langue, mais leur pensée est le produit exclusif de leur cerveau gauche, or je réalise que je rêve, et qu'en rêve c'est le cerveau droit qui tient les rênes. Je leur en fais la remarque et critique leur théologie désséchée. L'un d'eux me rétorque que l'on ne peut nous élire, moi et l'homme en bleu, car nous sommes adeptes de l'arianisme. Cette annonce, entendue du public, provoque des cris et des menaces des popes orthodoxes et des confréries d'islamistes chrétiens (!) présents dans la foule. Ces conservateurs ne veulent pas d'un hérétique au Vatican. Je me retourne vers eux et leur déclare : "Vous avez le choix entre un hérétique et ces docteurs de la loi. Mieux vaut un homme de foi hétérodoxe que ces athées déguisés, car je vous le dis, derrière leurs déguisements, nombre d'entre eux sont de purs athées ; ils ne croient en rien". Réveil.
Outre l'amusement initial de voir Arianil se faire taxer d'arianisme (je ne me reconnais guère dans cette doctrine), je remarque le thème du double, exprimé ici dans une grande clarté. Pour les gnostiques, le symbole des jumeaux évoque l'homme naturel, la personnalité, l'égo, qui chemine avec son frère, son double spirituel : le roi, Dieu en soi, le Christ dans la terminologie chrétienne. L'initiation met en présence dans le champ de la conscience le moi et l'Autre caché derrière le soi, reliés par la figure féminine de l'âme, elle-même double, avec une face inférieure, enténébrée, et une face supérieure, en voie de déification. Peut-être est-ce cette même dualité que l'on retrouve chez Castor et Pollux ou le sceau des Templiers ? Sans doute, les doubles, les jumeaux des évangiles, Jean-Baptiste, Judas, Thomas, sont-ils les reflets successifs de l'homme en quête de sa vérité ultime que représente Jésus.
Bonne année à tous.