C’est le jour de Noël, les enfants, arborant des sourires joyeux, s’empressent de déballer leurs cadeaux. Quelqu’un allume la radio, comme dans un de ces vieux films noirs des années 40. Et la nouvelle tombe, rapide, sèche, brutale. « Vic Chesnutt est mort ». Ces quelques mots me rappellent l’ambiance inquiétante et plombante de l’introduction de Lost Highway. Quelques mots lointains, adressés à vous-même, et qui vous font sentir que les choses ne seront plus tout à fait pareilles.
En effet, c’est le jeudi 24 Décembre 2009 que le petit Boss nous a quitté, celui qui à nos yeux restera cet être frêle encerclé profondément dans son cercueil roulant de métal mais qui dans nos cœurs demeurera ce génie trop méconnu dont la voix nasillarde nous chatouillait de sa poésie ténébreuse.
Décédé suite à une overdose médicamenteuse, l’artiste avait placé sa vie d’un halo noir. Orphelin, il grandit dans une petite ville de Georgie, et se retrouve cloué dans un fauteuil roulant à l’âge de 18 ans suite à un accident de voiture. Il survie en s’accrochant à sa guitare qu’il gratte du bout de ses dents et forcera le respect de ses ainées en pondant en 1990 « Little », un album country-folk au doux parfum de Louisiane, sur lequel Chesnutt fait également montre de ses talents d’auteur-compositeur. Suivront « West of Rome » et « Drunk » dans lesquels l’homme de fer exorcise ses fantômes à coup de bottleneck et chante la Georgie des romans de Harry Crews.
En suivi une période très prolifique, qui permis enfin à ce tailleur de pierres précieuses de faire reconnaitre ses talents d’orfèvre auprès grand public et d’accéder enfin à la renommée qui lui est due. Il s’associe à de grandes causes en compagnie de son ami Michael Stipe (Leader de R.E.M pour les incultes), qui voue pour Chesnutt une admiration sans bornes, et l’aida à décrocher de la drogue quelques années plus tôt. Il publia également parallèlement « About to Choke » et « The Salesman and Bernadette » aux côté de Lambchop qui marquèrent son passage vers un songwriting plus lumineux, mais toujours teinté de mélancolie.
Le passage au nouveau millénaire marqua l’entrée d’une nouvelle ère pour ce troubadour aux mélodies inépuisables. Véritable mère courage pour ses pairs et source inépuisable de rimes glissées sur les cordes de sa guitare acoustique, Chesnutt se démultiplia, se divisa, et donna jusqu’à l’épuisement. De cette décennie folle s’en extirperont quelques essais flamboyant comme l’introspectif et incandescent « Silver Lake» ou le collégial « North Star Deserter », qui voit entre autre le folkeux Georgien collaborer avec les non-moins impressionnants Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestral, soit une rencontre qui sent la poudre. Et la presse s’empresse d’allumer la mèche.
Plus personne n’ignorait le talent de Vic Chesnutt. Plébiscité et pillé, l’aura de l’artiste semble pourtant décliner. Ombrageux et sur le fil, ses deux derniers albums parus cette année, « At the cut » et « Skitter On Take-Off », rappellent à ses début et dégagent une colère qui jusqu’à présent semblait contenue. On sait l’artiste dépressif et en proie à de nombreux démons, n’arrivant plus à se supporter, ni à faire face aux créances qu’il doit endosser pour se soigner. La suite, nous l’avons reçu comme un coup de marteau en jour saint de Noël.
L’ombre de la mort n’aura cessé de planer sur les multitudes morceaux que nous lègue ce musicien hors-pair, cet écorché vif, qui trouvait sa place entre le spleen de Jeff Buckley et la chronique urbaine et bluesy de Bruce Springsteen. On espère que Vic Chesnutt aura trouvé le sourire qui lui faisait défaut là où il trouve. Et si il nous reste une mine inépuisable de trésor sur lequel se consoler, rien ne remplacera la grâce de cet artiste qui savait trouver les mots pour définir les sentiments enfouis au plus profond de nos êtres. « Vic Chesnutt est mort ». Cette phrase résonne dans ma tête, et n’en a pas fini faire écho. Adieu l’ami.
Akitrash
Audio
Retour en quelque titres sur la discographie pléthorique de Vic Chesnutt
Vic Chesnutt - Rabbit Box extrait de l’album Little (Texas Hotel, 1990)
Vic Chesnutt - The Night The Lights Went Out In Georgia extrait de la compilation Star Power! (Pravda Records, 1995)
Vic Chesnutt - New Town extrait de l’album About To Choke ( Rough Trade, 1996)
Vic Chesnutt - Bernadette & Her Crowd extrait de l’album The Salesman and Bernadette (Velocette Records, 1998)
Vic Chesnutt - Buckets Of Rain extrait de la musique du film Crossing Jordan (2003)
Vic Chesnutt - In My Way, Yes extrait de l’album Silver Lake (New West, 2003)
Vic Chesnutt - Like A Monkey In The Zoo extrait de l’album The Late Great Daniel Johnston: Discovered Covered (Eternal Yip Eye , 2004)
Vic Chesnutt - Strange Language extrait de l’album Is The Actor Happy? (New West, 2004)
Vic Chesnutt - Dodge extrait de l’album Drunk (New West, 2004)
Vic Chesnutt -You Are Never Alone extrait de l’album North Star Deserter (Constellation, 2007)
Vic Chesnutt - Little Fucker extrait de l’album Dark Developments (Orange Twin, 2008)
Vic Chesnutt - Flirted With You All My Life extrait de l’album At The Cut (Constellation, 2009)
Vic Chesnutt - Dick Cheney extrait de l’album Skitter On Take-Off (Vapor Records, 2009)