Je n’ai pas énormément lu cette année. J’ai eu droit à une première partie de l’année passionnante, avec des textes variés tant sur le plan de leur trame, du sujet traité, de l’écriture adoptée ou du genre abordé ou du contexte de l’écriture. La seconde est plus terne, peut être parce que je me suis un peu moins impliqué dans mes lectures. Elle m’a néanmoins réservée quelques pépites.
Difficile d’oublier les états d’âme de ce jeune banlieusard français d’origine congolaise dans le très poétique « cœur des enfants léopards » de Wilfried Nsondé. Un des plus beaux textes que j’ai pu lire sur les jeunes des cités, sur leur humanité, leur rêve brisé, leur violence.
Dans « Esclaves » de Kangni Alem, c’est à la fois le courage de l’auteur togolais, la qualité de son écriture, et une portion sombre de l’histoire africaine de la traite négrière et de l’esclavage qui est revisitée. Il brise une forme d’omerta qui sclérose l’intelligentsia africaine sur les responsabilités africaines de ce long naufrage. Et Musango est venu rajouter une couche sur la dénonciation d’une Afrique qui courbe l’échine : une mère qui désigne sa propre fille comme sorcière, et la bat comme la déposséder de son mal. Si Léonora Miano tente de dessiner les contours du lendemain, son héroïne poursuit sa marche dans la nuit, expose son rejet d’un proxénétisme, d’une exploitation de la misère par des africains ne mettant pas de limite à leur prédation. Que dire alors des aubes écarlates du même auteur ? Que dire du cri strident de ces âmes damnées, oubliées de ces hommes et ces femmes qui ne survécurent par à la traversée de l’Atlantique enchaînés en fond de cale de ces hideux négriers. La voix de Miano semble celle d’une femme saisie par une transe, en communication avec l’au-delà...
L’originalité est aussi au rendez-vous que Célio Mathématik prend avec l’histoire de son pays, quand ce chômeur diplômé saisit l’occasion de pénétrer les sphères du pouvoir congolais. La description de la réalité sociale est certes prenante, mais dans ces « Mathématiques congolaises », In Koli Jean Bofane ne s’arrête pas en si bon chemin. Son propos est tout simplement passionnant. Lauréat du Grand Prix Littéraire d’Afrique noire 2009. Le quotidien de Samantha à Kinshasa et d’une galerie de personnages est d’une violence inouïe. Mais la résolution du petit peuple de ne pas se laisser aller, la bonne humeur malgré l’âpreté d’un régime totalitaire qui écrase par son indifférence toutes ces petites gens a quelque chose de chaleureux qui donne beaucoup d’épaisseur aux chroniques Marie-Louise Mumbu.
J’ai pu découvrir la talentueuse et ravissante nigériane Chimamanda Ngozi Adichie au travers de sa saga familiale en plein cœur de la terrible guerre du Biafra dans l’autre moitié du soleil. Une somptueuse exploration de cette période sombre du Nigéria. Très belle expérience.
Durant l’été, après avoir fait mon marché à l’exposition Kreol Factory du parc de la Villette, c’est une plongée dans les Caraïbes que je me suis accordé. Beaucoup de bonnes lectures. Gary Victor l’haïtien m’a de nouveau enchanté par l’originalité de son écriture, la mise en scène faite d'artifices littéraires sensés, où en un auteur ayant oublié son moi, se voit confronter à une créature de son imaginaire fertile... Sa capacité à faire vivre Port-aux-Princes sous sa plume endiablée, ses croyances, ses désespoirs, ses folies. Banal oubli. Sa production 2009. Un coup de coeur.
Qu’en est-il de nos rêves pour l’Afrique. Existent-ils seulement ? Patrice Nganang s’interroge brillamment dans La république de l’imagination sur le regard que porte la jeunesse africaine sur la terre de ses ancêtres. Avec la passion qui est la sienne.
Le collier de paille de Khadi Hane est ma petite surprise de fin d’année. Un texte que j’ai abordé sans arrière-pensée. Une exploration troublante de la question de l’adultère analysée par une jeune sénégalaise en révolte contre les traditions patriarcales de son pays…
Pour terminer deux œuvres américaines étonnantes, ambitieuses tant par leur construction élaborée, la complexité des personnages en scène, le contexte exotique du récent roman de Toni Morrison « Un don » dans une Amérique du nord encore sauvage ou celui d’une étrange fratrie dans le chef d’œuvre des années 30 de William Faulkner « Le bruit et la fureur ».