Car tel est le thème qui unit ces récits : l’homme dans ce qu’il a de plus vil, de plus faible. Comme ces villageois qui étranglent la chienne d’un pauvre idiot. Ou cet enfant affamé, cruellement puni par le marchand pour avoir volé une pomme. Et ce qu’il y a de terriblement réaliste, dans tous ces portraits, c’est que personne, qu’il soit victime ou auteur d’un acte malfaisant, n’est totalement coupable ou innocent. Le conte sonne d’autant plus juste qu’il ne présente pas une vision manichéenne du monde.
La force du recueil vient de cette honnêteté qui nous lacère en pointant ces petites infamies quotidiennes. Ainsi ce chauffeur de camion, bon père de famille, mais un peu couard, qui soudain renverse délibérément le conducteur du tracteur qui l’a humilié devant son fils.
Or ici, c’est l’inverse qui se produit. Le thème de fond – la méchanceté humaine - est le même pour toutes les nouvelles. C’est la forme qui change et donne ainsi tout son relief au texte. Yu Hua maîtrise de façon ahurissante une grande variété de styles littéraires. En l’espace d’une dizaine de nouvelles, il nous entraîne des forêts légendaires de la grande époque des chevaliers errants à la mise en scène d’une utopie politique digne d’Orwell, mâtinée de Kafka.
L’unité du thème des nouvelles donne corps au recueil, ce qui empêche l’impression d’un assemblage disparate. Au final, je suis bien arrivée en Normandie, mais enthousiasmée par ce voyage temporel en Chine depuis le fond des âges.
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