Sans surprise, le montant de l'endettement public français annoncé ce mercredi n'aura choqué personne. On sait, depuis des mois, que la Sarkofrance est dans une impasse fiscale et budgétaire qui ne résoudra qu'après l'élection présidentielle de 2012.
La dette publique française a bondi de 29 milliards d’euros, pour atteindre 1 457 milliards d’euros et 75,8% du PIB (source INSEE). La hausse vient de l’Etat (23 milliards) et, accessoirement, de la Sécurité Sociale (+6 milliards). Les collectivités locales ne pèsent que pour 500 millions dans cette progression. Le déficit budgétaire, de 8,2% du PIB en 2009, est attendu à 8,5% du PIB en 2010. pour rassurer les marchés, le ministre du Budget Eric Woerth a confié en début de semaine que les services fiscaux avaient récolté 2 milliards d’euros de recettes fiscales sur les bénéfices de sociétés de plus que prévu. Une goutte d’eau comparé aux besoins.
La France, tancée par la Commission de Bruxelles, a promis de revenir dans les normes du Pacte de stabilité adopté à Maastricht en 1992 d’ici 2013, soit une dette publique ramenée à 60% du PIB et un déficit budgétaire sous les 3% du PIB. Le gouvernement table sur un hypothétique retour à une croissance forte et se refuse à augmenter les prélèvements obligatoires.
Pourtant, les marges de manœuvre existent : l’impôt sur les sociétés, transpercé par des niches fiscales en tous genres, pèse proportionnellement peu sur les grandes entreprises, habituées à l’optimisation fiscale. Côté ménages, une remise à plat de la fiscalité et des cotisations sociales, vers un rééquilibrage aux détriments des revenus de placements financiers, s’impose. L’Observatoire des inégalités rappelait récemment que les 10% des ménages les plus riches captaient 24% des revenus (travail et capital) du pays (sur la base d’une enquête INSEE sur les revenus fiscaux).
L’incohérence et l’injustice fiscales du gouvernement ne lassent pas de surprendre. Une bonne vingtaine de nouvelle taxes viendront frapper les ménages l’an prochain. En parallèle, les mutuelles de santé ont annoncé qu’elles augmenteraient leur tarifs de 5% (soit 4 fois l’inflation) : elles répercutent la taxe exceptionnelle décidée par le gouvernement l’an dernier, prélevée sur leur chiffre d’affaires, et leur participation à l’acquisition des vaccins contre la grippe A. Moins de 10% des Français ont été vaccinés, et il reste quelques 75 millions de doses à écouler avant leur péremption au printemps. Autres surcoûts à la charge des assurés, le forfait hospitalier passera de 16 à 18 euros la journée, et une centaine de médicaments seront déremboursés de 35% à 15%.
Le SMIC sera symboliquement augmenté : +4 centimes bruts de l’heure (à 8,86 euros, soit 1 343,77 euros par mois). Le RSA bénéficiera d’une hausse de +1,2% au 1er janvier, pour atteindre 460 euros pour une personne seule et sans enfant. Fin octobre, quelques 1,66 millions de personnes en bénéficiaient. Parmi elles, 550 000 avaient une activité professionnelle. Ce sont les seuls véritables bénéficiaires du dispositif. Les 1,1 millions restant correspondent aux anciens bénéficiaires du RMI.
Libération a couronné Nicolas Sarkozy « roi du bobard » en 2009. Le Monarque a subi deux sévères camouflets cette semaine : l’échec du projet nucléaire à convaincre Abu Dhabi pour un marché de 14 milliards d’euros, jette le doute sur le potentiel international de la filière nucléaire française. Depuis son élection, Nicolas Sarkozy parcourt le monde pour promouvoir l’énergie nucléaire « made in France » comme un solution d’avenir contre le réchauffement climatique. Mardi soir, l’annulation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel présidé par le chiraquien Jean-Louis Debré, au motif de son inégalité de traitement, est un second coup dur. Mercredi, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il restait « déterminé » à faire appliquer ce dispositif, quitte à le modifier pour le rendre constitutionnellement légal. "C'est un engagement du président: il est très déterminé. D'ailleurs, il m'a appelée pour me le dire" a confié Chantal Jouano, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie. "L'écologie, c'est une priorité absolue pour lui, même si c'est difficile et même si on est à trois mois d'un échéance électorale. Sinon il y aura toujours un bon prétexte pour ne pas le faire". Jean-Louis Borloo, terrassé par l’échec de Copenhague, reste muet.
Côté sécurité et défense, Nicolas Sarkozy tient toujours la corde. Ou presque. Le Conseil d'Etat a quand même partiellement invalidé l'un des nouveaux fichiers de Sarkofrance : pour la seconde fois, le Conseil d'Etat a annulé partiellement la création du fichier Eloi qui recense les "données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement".Le Conseil a refusé que certaines données, celles relatives à l'identification de l'étranger et de ses enfants, puissent être conservées au-delà de 3 mois.
La veille de Noël, un décret a officialisé la création de la NSA à la Française. Le Conseil de Défense et de Sécurité Nationale "définit les orientations en matière de programmation militaire, de dissuasion, de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures, de renseignement, de sécurité économique et énergétique, de programmation de sécurité intérieure concourant à la sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme". Il est présidé par le chef de l'Etat, et comprend le Premier ministre, les ministres de la Défense, de l'Intérieur, de l'Économie, du Budget, des Affaires étrangères et, le cas échéant, d'autres ministres pour les questions relevant de leur responsabilité.
Flanqué de son nouvel Air Franc One, le bel avion tout neuf commandé sur les deniers publics d'un Etat surendetté, Nicolas Sarkozy a désormais tous les attributs d'un président américain.
Y compris les déficits.